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L'anglais à l'école financé par le fédéral

Pour promouvoir le bilinguisme

L'enseignement intensif de l'anglais au primaire est financé à coup de dizaines de millions $ par Ottawa dans le but de promouvoir le bilinguisme.

Patrimoine Canada aura versé 73,6 millions$ au gouvernement du Québec pour soutenir l'enseignement de l'anglais langue seconde de 2009-2010 à 2012-2013. Depuis 2003, le gouvernement fédéral poursuit un plan d'action lancé par les libéraux de Jean Chrétien dont l'objectif est notamment de doubler le nombre de jeunes Canadiens bilingues sur une période de 10 ans.

L'échéance du plan parrainé à l'époque par l'ex-ministre Stéphane Dion est donc l'année 2013. «Le gouvernement du Québec reçoit du fédéral du financement pour l'apprentissage de l'anglais langue seconde», soutient M. Dion, député libéral de Saint-Laurent-Cartierville à la Chambre des communes.

Même si l'éducation est de juridiction provinciale, Patrimoine Canada a conclu des ententes à la hauteur de 938 millions$ sur quatre ans avec les gouvernements des provinces et des territoires, pour soutenir l'enseignement du français et de l'anglais d'un océan à l'autre.

Lobby de la SPEAQ

Au Québec, la Société pour la promotion de l'enseignement de l'anglais langue seconde (SPEAQ) a reçu environ 75 000$ de Patrimoine Canada, estime sa présidente Micheline Shinck, pour réaliser huit projets dont la production d'un «Guide d'implantation de l'anglais intensif langue seconde dans les écoles primaires du Québec».

Le ministère de l'Éducation s'est largement inspiré de ce Guide, produit en 2003, pour implanter son programme d'anglais intensif destiné aux élèves de 6e année.

La SPEAQ a exercé depuis une dizaine d'années un lobby intensif auprès du ministère de l'Éducation pour le convaincre d'accroître le temps consacré à l'enseignement de l'anglais. Le 25 janvier 2011, la présidente de la SPEAQ rencontrait l'ex-ministre de l'Éducation Line Beauchamp pour discuter de l'enseignement intensif de l'anglais aux élèves de 6e année.

Un mois plus tard, le premier ministre Jean Charest annonçait l'implantation progressive de cette mesure sur une période de quatre ans.

«J'avais demandé une rencontre avec Mme Beauchamp pour discuter de l'apprentissage de l'anglais. L'enseignement intensif de l'anglais a fait partie de la discussion. J'étais accompagnée d'une conseillère pédagogique et d'une chercheuse de l'Université Concordia», a confirmé Mme Shinck.

Québec s'est donné cinq ans pour porter de 800 à (environ) 1200 heures par année le temps consacré à l'enseignement de l'anglais pour les élèves de 6e année. Le ministère de l'Éducation prévoit que la mesure touchera 20% des élèves pour la 2e année de son application en 2012-13 40% l'an prochain, 68% l'année suivante et 93% la cinquième année.

Une mesure illégale

Imposer l'enseignement intensif de l'anglais dans les écoles primaires contrevient à la Loi sur l'instruction publique.

L'article 86 de la LIP confère aux conseils d'établissements des écoles le pouvoir de déterminer le temps voué à l'enseignement des matières obligatoires. Le ministère de l'Éducation ne peut pas imposer l'ajout de 369 heures au programme d'enseignement de l'anglais, a déjà reconnu l'ex-ministre de l'Éducation Line Beauchamp à l'occasion d'un échange avec le député péquiste Sylvain Gaudreault à l'Assemblée nationale.

«Éventuellement, la Loi sur l'instruction publique va sûrement devoir être modifiée pour confirmer que toutes les écoles du Québec doivent se conformer au fait que c'est l'anglais intensif en sixième année», avait dit la ministre. La modification n'est pas urgente, avait-elle ajouté, l'implantation de l'anglais intensif devant s'échelonner sur cinq ans.
Résistances

La Fédération des comités de parents s'oppose à ce que le pouvoir des conseils d'établissement soit ainsi réduit, signale la directrice générale Line Deschamps. «C'est essentiel que la décision se prenne localement », dit-elle.

«Si le gouvernement change la Loi, ce sera du mur-à-mur partout», craint Danielle Boucher, présidente de l'Association québécoise du personnel de direction des écoles. Certaines écoles ont davantage besoin de français intensif, signale-t-elle.

Imposer l'anglais intensif pourrait obliger certaines écoles à renoncer à leur programme Art ou Sport- études. Des résistances sont à prévoir, prévient Mme Boucher. «Il y en a déjà», dit-elle.

Pénurie d'enseignants

Au terme de la période d'implantation, le programme d'anglais intensif aux élèves de 6e année aura nécessité l'embauche de 1235 nouveaux enseignants. Le ministère de l'Éducation estime disposer des effectifs suffisants au Québec pour les deux premières années.

La situation pourrait se compliquer pour les trois années suivantes, où des efforts de formation et de recrutement seront nécessaires. Québec prévoit recruter des professeurs d'anglais en Ontario et au Nouveau-Brunswick pour combler la pénurie anticipée pour les années 2013-14 à 2015-16, quand l'enseignement de l'anglais intensif sera obligatoire dans toutes les classes de 6e année.

Les enseignants recrutés dans les provinces voisines devront recevoir une «formation d'appoint» avant de recevoir leur brevet d'enseignement du ministère de l'Éducation. Les universités québécoises seront sollicitées pour offrir ladite formation.

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