
L'ancien directeur général de la Ville de Montréal, Claude Léger, a poursuivi son témoignage pour une deuxième journée à la commission Charbonneau abordant du même coup l'épineux dossier des compteurs d'eau qui l'a finalement poussé à démissionner, en 2009.
Léger, qui a occupé ses fonctions de 2006 à 2009, est notamment venu expliquer l'empressement du politique à installer les désormais célèbres compteurs d'eau; engouement qu'il a admis ne pas comprendre à ce moment.
«Il y avait comme un engouement autour des projets de l'eau. C'est sûr qu'il y avait un retard considérable et une urgence d'agir, ça avait été négligé pendant 30 ans, mais je n'arrivais pas tellement à comprendre le caractère attirant pour des politiciens d'aller installer des compteurs dans 10 000 ou 15 000 entreprises avec tous les problèmes que ça occasionne. [...] Je pense que quelqu'un avait convaincu le maire que c'était très important. Je serais porté à croire que c'est M. Zampino [NDLR: président du comité exécutif], mais je n'ai pas de preuve», a-t-il raconté.
Pour illustrer cet empressement, le témoin a expliqué que chaque fois que le directeur du Service des infrastructures, du transport et de l'environnement, Yves Provost, se présentait au comité exécutif, le maire Gérald Tremblay lui lançait des «boutades» pour savoir quand il aurait enfin «ses» compteurs d'eau.
Signaux d'alarme
Le procureur de la commission, Me Paul Crépeau, a quant à lui démontré que dès 2007 des employés de la Ville ont envoyé des signaux d'alarme concernant le projet.
En effet, le rapport du vérificateur général de 2009 fait état d'une lettre qui stipulait à ce moment que les coûts du projet venaient littéralement d'exploser passant d'une évaluation de 250 millions de dollars à 400 millions de dollars.
Pour expliquer son inaction, Claude Léger a affirmé qu'on lui avait caché ces informations et qu'il n'a pris connaissance de la lettre que deux ans plus tard. C'est d'ailleurs à ce moment qu'il a offert sa démission au maire Tremblay.
Toujours dans son rapport, le vérificateur général se fait très critique envers le processus qui a mené à l'octroi du contrat de 423 millions de dollars à GÉNIeau. On peut notamment y lire que «les exigences de financement et de performance sévères» de l'appel d'offres ont contribué à réduire la concurrence.
«Jusqu'à la fin, j'ai cru qu'il y avait une compétition», a juré l'ancien directeur général.
Zampino «en menait large»
Claude Léger s'est par la suite affairé à décrire le rôle qu'avait Frank Zampino au sein de la Ville. Comme il l'avait déjà dit au premier jour de son témoignage, l'ancien DG a parlé d'un homme qui occupait une place prédominante dans le processus décisionnel allant même jusqu'à affirmé qu'il «en menait large» aux côtés du maire Tremblay.
Le témoin a aussi raconté avoir connu Zampino dans un «contexte très inhabituel». Après avoir reçu un appel de Gérald Tremblay lui demandant s'il était intéressé par le poste de DG, Léger aurait reçu un appel de Rosaire Sauriol, de la firme de génie Dessau, lui disant que Frank Zampino désirait le rencontrer pour un souper au Club Saint-Denis.
«M. Zampino parlait peu. Il m'écoutait parler. J'ai compris qu'il voulait savoir quel genre de personne j'étais», a dit Léger.
Comités de sélection
L'ancien DG a aussi décrit le processus par lequel Frank Zampino aurait fait des pressions afin que Robert Marcil participe à des comités de sélection. Le président du comité exécutif aurait ainsi fourni à Léger, en 2007, une liste de «bonnes personnes à mettre sur des comités de sélection». Même s'il n'a pas ressenti de pression, Claude Léger a détruit la liste et ne se souvient plus aujourd'hui des noms qui y figuraient.
Plus tard la même année, Zampino aurait laissé entendre que les élus avaient «une bonne opinion de Marcil et qu'il pourrait être bien qu'il participe à des comités de sélection». Le témoin a admis avoir passé le mot et Marcil a par la suite participé à plusieurs comités.
«Ça a toujours été progressif. M. Zampino cherchait à connaître mes limites et quand il les a connues, il m'a contourné», a dit Léger.
Questionné à savoir s'il était conscient des «risques» impliquant le fait de laisser passer Marcil, l'ancien DG a admis qu'il l'avait fait par crainte de représailles, mais aussi pour poursuivre son rêve. «J'en suis profondément désolé», a-t-il ajouté, l'émotion dans la voix.
Loin de s'arrêter là, Frank Zampino aurait même été jusqu'à demander à Claude Léger d'intervenir concernant le résultat de comités de sélection. Le témoin a raconté qu'à deux reprises en 2008, le président du comité exécutif lui a donné un papier avec un nom de projet et un nom de firme. «J'étais tétanisé par cette demande. J'ai pris le papier, je l'ai détruit et je ne suis jamais intervenu.»
Après le départ de Zampino, le successeur de ce dernier, Claude Dauphin, aurait tenté le même stratagème à une reprise, en juin 2008. «Il paraît que ça fait partie de mes fonctions de président du comité exécutif de vous montrer ceci», lui aurait dit l'élu en lui donnant un bout de papier. Léger lui aurait alors répondu un non catégorique et le manège ne se serait plus jamais reproduit.
Claude Léger a offert sa démission au maire Tremblay le 22 septembre 2009, au lendemain de la conférence de presse du vérificateur général de la Ville au sujet du contrat des compteurs d'eau. «C'était indéfendable, j'étais conscient d'avoir une part de responsabilité dans tout ça», a-t-il dit en guise de conclusion.
MISES À JOUR
14h41 - Fin du témoignage de Claude Léger.
14h37 - Fin du contre-interrogatoire de Me Houle.
14h32 - Fin de l'interrogatoire en chef. Me Denis Houle, représentant l'ACRGTQ, contre-interroge le témoin.
14h31 - Même lors de sa démission, Léger n'a rien dit au maire Tremblay.
14h26 - Alors qu'il «n'était pas chaud» à la délation lorsqu'il était en poste, Léger se dit aujourd'hui en faveur.
14h20 - Claude Léger formule quelques recommandations à la commission.
14h11 - Témoin explique ce qu'il a mis en place contre la collusion, comme une ligne de dénonciation.
14h09 - On aborde le sujet de la démission du témoin. Léger a écouté la conférence de presse du vérificateur général en septembre 2009. «C'était indéfendable, j'étais conscient d'avoir une part de responsabilité dans tout ça.» Il a démissionné le 22 septembre 2009.
14h06 - Reprise des travaux.
12h30 - PAUSE DU DÎNER
12h29 - Léger travaille aujourd'hui chez Macogep. Il n'a aucun lien, «ni de près ni de loin», avec les contrats de la Ville de Montréal. «À mon départ de la Ville, je n'avais pas de plan B. Je ne faisais pas partie d'un système.» Il a été un an complet sans travailler après son départ.
12h25 - Zampino part, Claude Dauphin lui succède. En juin 2008, ce dernier aurait tenté le même stratagème que son prédécesseur. Léger lui dit un non catégorique et ça se termine ainsi. Il n'en a pas parlé à personne en raison du «regret ou la honte de s'être laissé attiré dans ça.»
12h21 - Plus tard en 2008, lors d'une réunion entre les deux hommes, Zampino donne un nom de projet et un nom de firme, sur papier, à Léger. Ce dernier en déduit qu'il lui demande d'intervenir sur un comité. «J'étais tétanisé par cette demande. J'ai pris le papier, je l'ai détruit et je ne suis jamais intervenu.» Même stratagème à une autre reprise par la suite.
12h20 - Témoin a laissé passer Marcil par crainte de représailles, mais aussi pour poursuivre son «rêve» d'être DG. «J'en suis profondément désolé.»
12h16 - Léger était conscient du risque, mais dit qu'il ignorait à ce moment qu'un système de collusion d'une telle ampleur était possible.
12h12 - Vers fin 2007, Zampino laisse entendre «qu'ils [les élus] une bonne opinion de Marcil et qu'il pourrait être bien qu'il participe à des comités de sélection». Léger dit ne rien avoir fait à ce moment. S'est par la suite renseigné sur Marcil. «M. Marcil a été nommé plus souvent sur les comités de sélection.»
12h10 - Lors d'une rencontre, Zampino a fourni une liste de «bonnes personnes à mettre sur des comités de sélection». Léger dit ne pas avoir ressenti de pression à ce moment. Il a détruit la liste en question et dit ne jamais être intervenu pour faire nommer l'une de ces personnes. «Ça a toujours été progressif. M. Zampino cherchait à connaître mes limites. Et quand il les a connues, il m'a contourné.»
12h07 - «Est-ce que Zampino vous a demandé de faire siéger Robert Marcil sur un comité de sélection?» demande le procureur. «Ça ne s'est pas fait comme ça.»
12h05 - Zampino suivait «de très près» les projets des compteurs d'eau et du Faubourg Contrecoeur.
12h03 - Léger voyait Zampino comme étant «intègre». Zampino et Tremblay n'étaient jamais en conflit. «Il en mène très large», dit Léger au sujet de Zampino par rapport au maire.
12h02 - «Au municipal, pour faire son travail, on doit parfois avaler des couleuvres», dit Léger.
12h01 - «On a ri de moi, on m'a contourné, utilisé... je ne veux pas faire la victime, je n'étais peut-être pas assez méfiant.»
11h55 - Avec recul, Léger pense qu'il y avait du «double langage». Sauriol lui disait qu'il avait fait «du bon travail» à Longueuil.
11h51 - On aborde les relations avec Frank Zampino. Dit l'avoir connu dans un «contexte très inhabituel». Alors qu'il était à l'Université de Montréal, le maire a appelé Léger sur son cellulaire pour lui parler du poste de DG. «J'étais flatté, étonné et emballé par cet appel.» A par la suite été approché par une firme de recrutement de cadres. Reçoit aussi un appel de Rosaire Sauriol, de Dessau, lui disant que Zampino voudrait le rencontrer pour souper au Club Saint-Denis. «M. Zampino parlait peu, il m'écoutait parler. J'ai compris qu'il voulait savoir quel genre de personne j'étais.»
11h43 - En 2005, Léger a été vice-recteur à l'Université de Montréal. On discute de la vente du 1420 Mont-Royal, un ancien couvent, à l'Université. Après des problèmes, l'Université a finalement revendu l'immeuble à F. Catania. Léger dit ne pas être intervenu dans le dossier; il avait quitté à ce moment.
11h41 - Léger confirme avoir reçu des cadeaux d'entrepreneurs, comme du vin, quand il était à Longueuil. À son arrivée à Montréal, Léger a reçu un cadeau, a demandé à ses adjointes de le refuser et a fait passer le message qu'il accepterait aucun cadeau.
11h38 - Catania a appelé Léger peu après son arrivée à la Ville de Montréal, en 2006. Il voulait faire de la construction près de la station de métro Van Horne. Dit qu'il n'y a pas eu de suite. A reparlé à Catania à l'automne 2007. Ils ont déjeuné ensemble. Catania voulait lui offrir un emploi dans son entreprise. «Je ne lui ai pas reparlé après.»
11h33 - Reprise des travaux. Le témoin est questionné au sujet de ses relations avec des entrepreneurs. Dit ne pas connaître personnellement Antonio Accurso. Connaît Paolo Catania. A mangé une fois avec lui alors qu'il travaillait à la Ville de Longueuil. A été invité au 40e anniversaire de son épouse, mais a refusé pour ne pas mélanger personnel et professionnel.
11h03 - PAUSE
11h02 - «Jusqu'à la fin, j'ai cru qu'il y avait une compétition», dit Léger.
10h57 - Dans la grille d'évaluation des consortiums, 10 points sur 100 sont accordés pour la «connaissance du milieu» montréalais. «C'est inacceptable», tranche le témoin questionné à ce sujet. Ce même critère a fait partie de l'appel d'offres pour le Quartier des spectacles et pour le Faubourg Contrecoeur. «C'est assez suspect», dit Léger.
10h54 - Léger dit que 4 consortiums ont répondu à l'appel d'offres, mais dit ignorer combien avaient manifesté leur intérêt à l'origine.
10h49 - Après le départ de Zampino, la Ville a demandé à Claude Léger d'aller défendre publiquement le dossier des compteurs d'eau, même si ce n'était pas lui qui contrôlait le dossier.
10h40 - Dans son rapport, le vérificateur explique que les exigences «de financement et de performance sévères» de l'appel d'offres ont contribué à réduire la concurrence.
10h39 - «Pouvons-nous économiquement justifier des dépenses de 600 M$ sur 25 ans?» demande le vérificateur dans son rapport de 2009.
10h34 - Le contrat a été octroyé à GÉNIeau. En novembre 2007, on parle de 423 M$; somme à laquelle s'ajoutent plusieurs autres millions pour d'autres frais.
10h29 - Selon Léger, la Ville n'avait pas l'expérience pour lancer un appel d'offres de la nature de celui des compteurs d'eau.
10h20 - En juin 2007, une lettre sonne l'alarme: le projet passe d'une évaluation de 250 M$ à 400 M$. Léger dit ne pas l'avoir reçue à ce moment. Il en a pris connaissance plus tard, en 2009, puis a proposé sa démission au maire. Dit que c'est Yves Provost qui lui aurait caché les informations.
10h16 - «Moi je pense que quelqu'un avait convaincu le maire que c'était très important. Je serais porté à croire que c'est M. Zampino, mais je n'ai pas de preuve.»
10h15 - «Ça a l'air très important [comme projet]», dit le témoin. «Il y avait comme un engouement autour des projets de l'eau. C'est sûr qu'il y avait un retard considérable et une urgence d'agir, mais je n'arrivais pas tellement à comprendre l'attrait des politiciens pour les compteurs d'eau.»
10h13 - Témoin dit qu'il ne maîtrise pas tellement le dossier avant février 2007. Ne connaît pas le pouls de ses fonctionnaires sur le dossier. Semble-t-il que chaque fois qu'Yves Provost se présentait au comité exécutif, le maire Tremblay lançait des «boutades» au directeur du service de l'eau pour savoir quand il aurait ses compteurs.
10h11 - Le rapport de 2009 du vérificateur explique que le projet a changé en février 2006 alors qu'on y a ajouté le volet 2. Le 31 mai 2006, on décide de jumeler les deux volets pour en faire un seul projet.
10h08 - Selon témoin, il y a eu évolution du projet en cours de route, donc augmentation du coût nécessairement.
10h01 - On aborde le dossier des compteurs d'eau. Le dossier était déjà entamé lors de l'arrivée de Léger à la Ville. Plusieurs études avaient été faites au tournant des années 2000.
9h57 - Léger dit s'être déjà opposé à des décisions du comité exécutif.
9h56 - Qu'est-ce qu'un DG peut faire lorsqu'il n'est pas d'accord avec les décisions? Si le maire est le patron, il peut en parler avec lui. Si c'est le président du comité exécutif, c'est plus compliqué, admet Claude Léger.
9h52 - Président demande s'il n'y a pas quelque chose de «pervers» dans ce système de prime. Léger répond qu'il n'a jamais été en accord avec cette façon de faire.
9h48 - Léger confirme qu'à son arrivée il y avait un système de «prime à la performance» pour «l'ensemble des cadres». Jusqu'à 6%, dit-il.
9h45 - On revient sur le plan d'optimisation qui avait été produit par Serge Pourreaux.
9h41 - Témoin dit «accepter» les reproches formulés dans le rapport.
9h38 - On revient sur le rapport du vérificateur général de mars 2009 au sujet du Faubourg Contrecoeur.
9h37 - Début des audiences pour la journée. Claude Léger est assermenté.
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