Les révélations fracassantes se sont multipliées, cet après-midi, à la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (CEIC) alors que le témoin Kenneth Pereira continuait de déballer son sac pour une deuxième journée.
Alors qu'il a détaillé en matinée comment il a pu mettre la main sur les factures des «dépenses farfelues» de l'ex-directeur général de la FTQ-Construction Jocelyn Dupuis, l'ancien représentant syndicat a raconté comment on aurait voulu le museler.
Parmi ceux qui auraient tenté de le faire taire, le secrétaire-trésorier de la FTQ-Construction, Eddy Brandone. L'homme lui aurait notamment lancé la clé de sa Mercedes en lui disant qu'il pouvait la prendre.
Intimidation par le crime organisé
Devant le refus de Pereira, Brandone aurait poussé les menaces plus loin. Eddy Brandone et son agent d'affaires Guy Martin auraient rencontré Pereira et le directeur du local 791, Bernard Girard, dans un café italien du boulevard Langelier, à Montréal.
Alors que l'endroit était pratiquement désert, Ken Pereira jure avoir reconnu, seul au fond de la salle, Joe Colapelle, qui regardait en leur direction. «Je le connais de réputation... C'est un mafioso», a expliqué le 95e témoin à comparaître à la CEIC.
À son arrivée Brandone aurait montré à Pereira une copie d'une facture de Dupuis provenant du steakhouse Bullseye, à Mont-Tremblant. «Sais-tu qui est derrière ça?», lui aurait alors demandé le secrétaire-trésorier. Le témoin prétend que les noms du caïd Raynald Desjardins et de Giuseppe Bertolo se trouvaient sur la facture; fait confirmé par la facture qui a été déposée en preuve par la CEIC.
Eddy Brandone lui aurait fait comprendre d'abandonner les factures, que lui s'occuperait de la mafia et que dans le cas contraire, il ne pouvait rien faire pour l'aider.
Les Hells à la FTQ
Dans la même veine, Ken Pereira a déclaré sans réserve que Jocelyn Dupuis avait des liens étroits avec les Hells Angels, dont Normand «Casper» Ouimet.
«N'importe qui qui a dealé avec Jocelyn Dupuis le savait. Sa famille, c'était la FTQ, mais il en avait une autre: la famille des Hells et la famille de la mafia.»
«Qu'est-ce qui vous permet de dire sous serment que Dupuis et Ouimet étaient proches?», lui a alors demandé le procureur, Me Simon Tremblay. Le témoin a répondu avoir vu le Hells à au moins deux reprises dans les bureaux de la FTQ-Construction.
Un agent d'affaires lui aurait aussi dit que les Hells Angels faisaient partie de la FTQ-Construction.
Le vrai boss
Ken Pereira a aussi affirmé qu'il aurait subi des pressions de la part du caïd Raynald Desjardins, actuellement emprisonné relativement au meurtre de l'aspirant parrain Salvatore Montagna.
C'est entre la mi-novembre 2008 et février 2009 que les hommes se seraient vus pour la première fois, un dimanche, au Hilton de Laval. La rencontre devait permettre d'abaisser la pression à la FTQ-Construction à la suite des révélations de Pereira et on lui aurait envoyé Raynald Desjardins pour discuter.
«Écoute Ken, je ne sais pas si tu me connais, j'ai fait 11 ans de prison. Je ne sais pas quel problème tu as avec Jocelyn, mais je suis ici pour régler ça», lui aurait dit le caïd à son arrivée à la réunion à laquelle assistait également Bernard Girard, Louis-Pierre Lafortune (Grues Guay) et un homme dont le témoin ne se souvient plus du nom.
Raynald Desjardins aurait ajouté que Jocelyn Dupuis travaillait pour lui et qu'il n'avait pas à s'inquiéter. Fait étonnant aux yeux de Pereira, le caïd aurait aussi dit que Tony Accurso et Jean Lavallée géraient le Fonds de solidarité et qu'il était temps que Dupuis ait sa place.
Desjardins aurait conclu en disant que «tout allait bien aller» et aurait donné son numéro de cellulaire à Pereira en lui disant de ne pas hésiter à l'appeler s'il avait des problèmes avec qui que ce soit à la FTQ-Construction.
Ken Pereira a confié à la Commission que c'est à ce moment qu'il a réalisé que le vrai patron n'était pas Jocelyn Dupuis, mais bien l'homme devant lui au Hilton.
Le mécanicien industriel poursuivra son témoignage demain matin. Il devrait alors parler de Louis-Pierre Lafortune, de qui le témoin dit aussi avoir eu des pressions.
MISES À JOUR
16h18 - On revient à Louis-Pierre Lafortune. Il l'a vu chez Grues Guay, puis au Hilton. Ils se sont vus aussi à un autre moment que le témoin est incapable d'identifier. Le témoin est visiblement exténué. Le procureur suggère d'ajourner les travaux. Présidente accepte.
16h15 - Lavallée a suggéré d'aller faire du repérage à Radio-Canada pour savoir ce que les journalistes préparaient. Pereira avait peur que Desjardins pense que c'est lui qui l'avait nommé à Radio-Canada. Desjardins trouve ça fou et envoie Bertolo à sa place. Finalement, le plan n'a pas été mis à exécution.
16h03 - Lafortune tend un papier à Pereira et lui dit d'écrire ce qu'il veut. Il écrit «Directeur général FTQ-Construction». Lafortune lui dit que ça serait plus facile comme adjoint. «Tu le sais, tu as les mains liées si tu acceptes», lui dit Bernard Girard. Pourtant, un entrepreneur ne devrait pas avoir de pouvoir sur la hiérarchie de la FTQ-Construction.
16h01 - «Ken, pourquoi j'ai reçu ça, moi?», lui demande Lafortune en lui montrant le fameux CD. Lafortune dit l'avoir reçu par la poste.
16h00 - Témoin dit avoir donné un CD avec toutes les factures de Dupuis à Richard Goyette après les élections de novembre 2008. Peu de temps après, Louis-Pierre Lafortune l'appelle et le convoque dans les bureaux de Grues Guay.
15h54 - Le lendemain, Pereira retourne à la FTQ-Construction. Richard Goyette, nouveau DG, vient le voir. Plusieurs directeurs suivent. Témoin se dit surpris de cette ouverture alors que tout le monde le boude.
15h52 - Desjardins donne son numéro de cellulaire à Pereira et lui dit de l'appeler s'il a un problème avec qui que ce soit à la FTQ-Construction.
15h47 - Desjardins dit que Dupuis travaille pour lui et qu'il va l'envoyer travailler en Europe. Lui dit aussi que Tony Accurso et Jean Lavallée gèrent le Fonds de solidarité. Pereira dit comprendre à ce moment que ce n'est pas Dupuis le véritable boss, mais bien Desjardins.
15h44 - Desjardins arrive et la conversation devient «personnelle» entre Desjardins et Pereira. «Écoute Ken, je ne sais pas si tu me connais, j'ai fait 11 ans de prison et j'ai fait mon temps. Je ne sais pas quel problème tu as avec Jocelyn, mais je suis ici pour régler ça», lui aurait dit Desjardins. «Je ne pense pas que tu peux m'aider», répond Pereira.
15h40 - Arrivé sur place, Pereira voit dix «durs à cuire» à l'entrée. Girard et Pereira rejoignent Lafortune et un autre homme au fond de la salle. On lui explique qu'il va rencontrer Desjardins dans quelques instants et de ne pas dire du mal de Dupuis devant lui.
15h36 - Témoin dit aussi avoir eu des pressions de Raynald Desjardins et Louis-Pierre Lafortune. Rencontre un dimanche dans un hôtel Hilton, à Laval. On tente d'atténuer la pression à la FTQ-Construction et on lui envoie Desjardins. On est entre la mi-novembre 2008 et février 2009. Rencontre organisée par Éric Boisjoli (local 791) à la demande de Louis-Pierre Lafortune.
15h34 - Reprise des audiences.
14h58 - PAUSE
14h51 - Pereira dit que lorsque le bar de danseuses 10-35 a explosé, des dirigeants de la FTQ-Construction ont aidé à faire des travaux de façon bénévole.
14h48 - Guy Dufour, agent d'affaires du local 100, lui aurait dit que les Hells faisaient partie de la FTQ-Construction.
14h46 - «Qu'est-ce qui vous permet de dire sous serment que Dupuis et Normand Ouimet étaient proches?», demande le procureur. «Je l'ai vu entrer au bureau de la FTQ-Construction à deux ou trois reprises.»
14h41 - Pereira dit que les liens de Dupuis et les Hells Angels étaient connus à la FTQ. «N'importe qui qui a dealé avec Jocelyn Dupuis le savait. Sa famille c'était la FTQ, mais il en avait une autre: la famille des Hells et la famille de la mafia.»
14h39 - Selon le témoin, la facture du steakhouse Bullseye comprenait les noms de Raynald Desjardins et Giuseppe Bertolo.
14h33 - Brandone lui montre une copie de facture de Dupuis. «C'est une copie du Bullseye et il nous fait comprendre clairement: savez-vous qui est derrière ça?» Brandone lui dit de laisser tomber les factures et qu'il s'occupera de la mafia. Dans le cas contraire, il ne peut rien pour lui.
14h30 - Témoin évoque rencontre dans un café italien du boulevard Langelier, à Montréal, à minuit. Pereira, Girard et Brandone sont là, de même que l'agent d'affaires de ce dernier, Guy Martin. À un autre bout de la salle, seul à une table, un homme regarde en leur direction. Il s'agit de Joe Colapelle. «Je le connais de réputation... C'est un mafioso!»
14h28 - Brandone aurait aussi offert sa Mercedes à Bernard Girard.
14h22 - Eddy Brandone a essayé d'acheter le silence de Pereira «à deux ou trois reprises». Il était secrétaire-trésorier de la FTQ-Construction. Brandone lui aurait même lancé les clefs de sa Mercedes en lui disant: «C'est à toi!». Il a refusé. «Il a voulu m'acheter», tranche Pereira.
14h19 - On reprend l'interrogatoire. «Ces factures-là étaient d'une importance capitale pour eux (l'exécutif), pas pour moi!»
14h14 - L'avocat représentant Jocelyn Dupuis s'oppose. Dit que la Commission aborde des faits qui font l'objet d'une ordonnance de non-publication dans le procès de Dupuis.
14h12 - Après avoir dénoncé Dupuis, Pereira n'a plus accès à ses livres, sa comptabilité.
14h09 - Après avoir remis les factures le vendredi, retour au bureau lundi. Pereira parle de «harcèlement psychologique». «Personne ne m'adresse la parole, je n'ai accès à aucune porte.» Témoin se dit sûr que ces ordres viennent de Dupuis.
14h08 - Reprise des audiences. On revient sur l'histoire des factures.