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Le décès de Rizzuto crée une «onde de choc»

La mafia en deuil

La mort du présumé parrain Vito Rizzuto a provoqué une «onde de choc» au sein de la mafia montréalaise, affirme un spécialiste du crime organisé italien qui s'attend désormais à voir éclater une violente lutte de pouvoir entre les clans mafieux de la métropole.

«C'est une nouvelle à laquelle personne ne s'attendait. On aurait été moins surpris d'apprendre qu'il avait été assassiné», a affirmé Pierre de Champlain, auteur et ancien analyste de renseignements à la GRC. «C'est absolument surréaliste d'entendre ça », a-t-il ajouté encore surpris.

Victime de complications pulmonaires, le présumé parrain de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto, est décédé à l'hôpital Sacré-Cœur tôt lundi matin à l'âge de 67 ans.

M. de Champlain a l'impression que son état s'est détérioré très soudainement. «Il avait déjà évoqué — par l'entremise de son avocat — qu'il souffrait d'un problème de santé, une tâche sur un poumon, lorsqu'il a été extradé à New York en 2006 pour subir son procès», a-t-il cependant rappelé.

S'il est prématuré de parler de réorganisation au sein de la mafia quelques heures seulement après le décès du parrain, Pierre de Champlain s'attend à une guerre de clans inévitable pour la conquête du pouvoir: «C'est sûr qu'il va y avoir une réorganisation. Elle peut se faire dans la violence, il faut s'attendre à ça. Il y a sûrement des factions adverses qui vont vouloir le contrôle.»

L'auteur du livre Le crime organisé à Montréal (1940-1980) pense que c'est la jeune génération des mafiosi qui prendra la relève. Elle tenait d'ailleurs «le fort» lorsque Vito Rizzuto était en prison aux États-Unis, a-t-il précisé.

Le parrain a passé six ans derrière les barreaux (2006-2012) pour avoir joué un rôle dans le meurtre de trois membres de la famille Bonnano à New York, en 1981.

Quand il est rentré à Montréal l'automne passé, il aurait repris ces activités criminelles et rebâti son organisation grâce notamment à cette «jeune génération», chargée de garder sa place en son absence. «Depuis un an, Vito avait entrepris de rassembler les forces en présence», a ajouté le spécialiste.

Des discussions autour de la relève pourraient avoir lieu dans le salon funéraire lors de l'exposition du corps du parrain, dans les jours à venir, pense également M. de Champlain. «C'est une occasion de se rencontrer loin des regards, de la police et des caméras».

La fin des Rizzuto

Autrefois, lorsqu'un chef prenait le contrôle de la mafia, il restait à la tête de l'organisation pendant une ou plusieurs décennies. Mais selon Pierre de Champlain, cette tradition s'est éteinte avec la mort de Vito Rizzuto ce matin. «Des leaders charismatiques comme les Rizzuto, c'est une époque révolue maintenant», a-t-il confié, admettant qu'on pouvait effectivement parler de «la fin d'une dynastie».

La famille Rizzuto a régné sur le crime organisé montréalais de 1984 à 2004, lorsque Vito Rizzuto a été arrêté. Ce dernier avait toutes les qualités essentielles pour être et demeurer le parrain. Il était surtout rassembleur, a indiqué M. de Champlain : «Ç'a marqué son leadership et ça lui a donné une crédibilité.»

Son successeur devra marcher dans ses pas, «être accepté de tous, avoir du charisme et savoir rassembler», a résumé l'expert. Il a décrit Vito Rizzuto comme un homme discret qui oeuvrait dans l'ombre et projetait l'image d'un véritable patron d'entreprise.

«La mafia a très rapidement compris l'importance d'investir son argent acquis dans les trafics, notamment pour le blanchir, dans l'économie légale», a-t-il mentionné.

Le destin s'acharne

Le destin s'est acharné contre la famille Rizzuto ces cinq dernières années, a rappelé Pierre de Champlain. D'abord avec la mort du fils de Vito, Nick Jr, assassiné en 2009. Puis celle de son père, qui a subi le même sort en 2010.

L'expert s'attend à des funérailles assez sobres, contrairement à celles qui avaient lieu dans les années 80. «Les funérailles mafieuses n'ont plus le faste et le spectaculaire d'antan», a-t-il confié en faisant référence aux décès de Paolo Violi (1978) et de Vincent Cotroni (1984).

Les funérailles sont une «une occasion pour les enquêteurs de mettre à jour leurs albums photos. C'est sûr qu'il y des gens qui ne se présenteront pas à l'église», a-t-il terminé.

Les proches veulent la paix

Les quelques médias qui ont osé se pointer le nez tout près de la résidence de Vito Rizzuto, dans le quartier Sainte-Dorothée, à Laval, ont tour à tour été invités à quitter les lieux par des proches du défunt parrain de la mafia montréalaise.

À quelques reprises au cours de la journée, deux hommes sont sortis de la luxueuse maison des Rizzuto pour aller demander aux journalistes de s'en aller et de laisser les proches éplorés vivre leur deuil en paix. Le ton utilisé était poli, mais ferme.

Personne dans l'entourage n'a voulu commenter officiellement la mort de Vito Rizzuto. Mais l'un des hommes qui a demandé aux journalistes de quitter a tout de même indiqué que «personne ne s'attendait à ça».

Le va-et-vient a été constant pendant toute la journée au domicile de la veuve de M. Rizzuto.

Le décès de Vito Rizzuto est survenu presque quatre ans jour pour jour après celui de son fils, Nick Jr. , assassiné le 28 décembre 2009 dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal.

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