Le droit fondamental à la liberté de religion fut au cœur des arguments présentés par l'école secondaire Loyola, de Montréal, et ses défenseurs, devant la Cour suprême du Canada, lundi, dans une cause qui oppose l'école au gouvernement du Québec.
L'école catholique anglophone cherche à être exemptée du programme d'éthique et de culture religieuse (ÉCR) devenu obligatoire dans toutes les écoles du Québec en 2008.
L'école Loyola souhaite apporter une valeur ajoutée au contenu du programme en l'enseignant selon une perspective confessionnelle. L'établissement de niveau secondaire pour garçons, fondé et géré par les Jésuites, voudrait que le ministère de l'Éducation accepte l'équivalence de son programme à celui de l'ÉCR.
En décembre 2012, dans un jugement unanime, la Cour d'appel du Québec avait cassé une décision de la Cour supérieure rendue en 2010 qui permettait à l'école Loyola de substituer son propre programme d'enseignement au cours ÉCR.
La Cour supérieure estimait que la décision de la ministre de l'Éducation de l'époque de ne pas accepter la requête de l'école de l'exempter de l'obligation d'enseigner le cours portait atteinte à la liberté de religion de l'institution et de ses membres.
La Cour d'appel avait infirmé la décision de la Cour supérieure en précisant entre autres que l'atteinte à la croyance religieuse de Loyola, s'il y en a une, est négligeable, car il ne s'agit que d'un cours parmi plusieurs.
«De plus, il n'est pas demandé à l'enseignant de réfuter les préceptes de la religion catholique, mais de s'abstenir d'exprimer son opinion ou ses convictions», avait écrit la Cour d'appel dans son jugement.
Mark Phillips, l'avocat de l'école Loyola, a souligné devant la Cour suprême que l'école ne s'oppose pas au programme d'ÉCR, qu'elle est d'accord avec son contenu et ses objectifs, mais qu'elle cherche à l'adapter à ses enseignements en matière de foi et d'éthique.
«Le problème est que Loyola est forcée de se couper de sa propre tradition lorsqu'elle enseigne sa propre croyance religieuse, et qu'on l'oblige à ne prendre aucune position en matière d'éthique», a expliqué Me Phillips.
«Loyola ne demande pas la lune, a-t-il ajouté. Elle ne demande pas l'abolition du programme, elle ne l'attaque pas, ou son usage dans les écoles publiques. Elle dit : "nous voulons respecter qui nous sommes et que notre identité soit respectée".»
Le procureur du gouvernement du Québec, Benoît Boucher, a fait valoir que les deux programmes sont trop différents pour que Québec lui accorde une équivalence.
«L'un vise l'enseignement de la religion, l'autre vise la découverte à l'égard de religions, de personnes, de ce que font les gens dans la société autour de nous», a expliqué Me Boucher.
«Ce programme-ci, qui est neutre, ne contrevient pas à la liberté de religion de ceux qui devaient le recevoir. Il aurait fallu pour Loyola, je crois, démontrer, si telle est leur prétention, que le fait de l'enseigner contrevient davantage à la liberté de religion que le fait de le recevoir. Je ne crois pas que cette démonstration fut faite», a aussi souligné Me Boucher.
Robert Reynolds, du «Christian Legal Fellowship», qui est intervenu pour l'école Loyola, a dénoncé l'intervention de l'État dans le droit d'une personne à recevoir un enseignement de la religion dans un cadre confessionnel.
«Le Dr. (John) Zucchi (co-appelant dans ce dossier) a envoyé son fils à l'école Loyola pour qu'il reçoive une éducation selon une perspective catholique. Selon les lois internationales, l'État doit respecter ce choix», a-t-il plaidé, précisant en outre que le programme d'ÉCR «encourage la pensée agnostique».
Le programme Éthique et culture religieuse a remplacé les programmes d'enseignement moral et d'enseignement moral et religieux. Le programme compte 250 heures d'enseignement au niveau secondaire.
La Cour suprême a mis la cause en délibéré.