La journaliste et représentante de la rédaction de Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui, s'est montrée affirmative: ses collègues tombés sous les balles le 7 janvier ne l'ont pas été en vain.
Au cours d'un entretien accordé à l'Agence QMI, elle a affirmé de manière forte et appuyée, qu'«il est hors de question que mes collègues soient morts pour rien», même si la perte de ses proches collaborateurs est toujours aussi grande et les plaies encore vives.
En tournée au Québec, la jeune femme qui se reconnaît dans le mot «survivante» est venue toucher à la solidarité témoignée par les Québécois après les attentats de Paris.
«Il nous faudra des années pour s'en remettre. Une partie de nous est partie et aussi une partie de notre insouciance», a-t-elle confié, conservant son air confiant, même si elle avait des mares dans les yeux en parlant de ses anciens collègues.

(Crédit photo: Agence QMI)
À propos des disparus et des victimes, dont certaines sont toujours à l'hôpital près de 20 jours après la fusillade, elle raconte que tous se savaient menacés.
«Moi je n'ai pas peur. Bien sûr, le spectre de la mort sera continuellement sur notre tête, mais c'est à cette école qu'on a appris le journalisme», a-t-elle confié. «Ceux qui ont survécu savent qu'on aurait pu se trouver dans cette salle-là et mourir, et nous vivrons avec cette idée pour le reste de notre existence.»
Lundi soir, malgré la lourdeur des propos, dans la petite salle du Lion d'Or de Montréal, où il fallait d'abord subir la fouille pour avoir le droit d'entrer à l'intérieur, l'ambiance n'était pas lourde ni pesante.
Armés de rires
À l'initiative de Djemila Benhabib, qui était à Paris le jour de l'attentat, de nombreuses personnalités s'étaient rassemblées, dont l'ancien premier ministre Bernard Landry, l'artiste Armand Vaillancourt, d'anciens ministres tels que Louise Beaudoin et Pierre Duchesne, et le chef du Bloc Québécois, Mario Beaulieu. La femme de Raif Badawi, le blogueur saoudien condamné à 1000 coups de fouet, était aussi présente.
Même si le poids des attentats a continué de peser, les mines d'enterrement n'étaient pas de mise. Dans un coin, un caricaturiste dessinait un pied géant écrasant de petits terroristes. À la violence, l'esprit irrévérencieux des disparus de Charlie Hebdo a pris le dessus et rapidement, l'humour a chassé les nuages noirs.
L'humoriste Martin Petit a d'ailleurs contribué à donner un rythme à la soirée en s'attaquant au sujet de l'égalité entre les hommes et les femmes. Dans une charge sentie, il a déclenché l'hilarité générale en s'insurgeant contre la pratique de l'excision: «Mais comment peut-on s'attaquer à un clitoris? Tu peux pas faire un hold-up avec ça!!»
De dures leçons
La soirée s'est déroulée avec une enfilade de lectures publiques, de monologues et des discours. La musique de Jamil qui est aussi venue ajouter quelques notes grivoises.
En ouverture de cette soirée, Djemila Benhabib, la voix éraillée, avait confié: «Je n'y ai d'abord pas cru lorsque les premiers messages sont sortis. Il y a tellement de canulars».
Depuis, elle dit pleurer ses amis, tout comme Zineb El Rhazoui, pour qui les lendemains sont encore difficiles à définir. Elle demeure toutefois convaincue que les leçons doivent porter.
«Tous ceux qui sont nés dans des sociétés où la liberté était un acquis doivent comprendre aujourd'hui que cet acquis est loin de l'être. Le combat pour lequel sont morts mes collègues doit être celui de tout le monde et qu'il faut être extrêmement vigilant sur ce qui se passe.»