La récitation de la prière avant la séance du conseil municipal de Ville de Saguenay doit cesser parce qu'elle contrevient à l'obligation de neutralité religieuse qui incombe à l'État, a déterminé la Cour suprême du Canada dans un jugement unanime rendu mercredi.
«Le parrainage par l'État d'une tradition religieuse, en violation de son devoir de neutralité, constitue de la discrimination à l'endroit de toutes les autres», a tranché le plus haut tribunal du pays dans sa décision.
«Si l'État favorise une religion au détriment des autres, il crée en effet une inégalité destructrice de la liberté de religion dans une société», peut-on lire dans le jugement.
La Cour suprême ne s'est toutefois pas prononcée sur les objets religieux, qui pourront donc rester en place dans les salles du conseil municipal. Par contre, si une plainte devait être déposée concernant leur présence, l'obligation de neutralité de l'État aura préséance.
«Lorsqu'elles dénotent une volonté de professer, d'adopter ou de favoriser une croyance à l'exclusion des autres, et que la pratique en litige porte atteinte à la liberté de conscience et de religion d'un ou de plusieurs individus, on doit conclure que l'État contrevient à son obligation de neutralité religieuse», a signalé la Cour suprême dans son jugement.

Depuis 2006
La Cour suprême avait été appelée à se pencher sur cette cause qui oppose le Mouvement laïque québécois (MLQ) à la Ville de Saguenay et à son maire, Jean Tremblay.
Le débat a commencé en 2006 quand un citoyen de Saguenay, Alain Simoneau, s'est opposé à la prière et à la présence d'objets religieux dans les salles du conseil.
Une plainte avait été déposée auprès du Tribunal des droits de la personne par M. Simoneau et le MLQ en 2007, précisant que la prière et les objets religieux portent atteinte de manière discriminatoire à la liberté de conscience de M. Simoneau et son droit au respect de la dignité, lui qui est non croyant.

En 2011, le Tribunal a ordonné à Saguenay de cesser la prière et de retirer tous les symboles religieux.
Le Tribunal soutenait que la prière, qui est suivie d'un signe de croix, portait atteinte de manière non négligeable à la liberté de conscience de M. Simoneau.
La Cour d'appel du Québec avait cassé cette décision dans un jugement rendu au printemps 2013. Le tribunal avait déterminé que la teneur de la prière ne violait pas l'obligation de neutralité imposée à la Ville.

Or, la Cour suprême a infirmé la décision de la Cour d'appel du Québec.
Le tribunal a ordonné à la Ville de Saguenay et au maire Tremblay à verser à M. Simoneau des dommages-intérêts compensatoires de 15 000 $ et des dommages-intérêts punitifs de 15 000 $ avec les intérêts, l'indemnité additionnelle et les dépens, incluant les frais d'expert fixés à 3500 $.

Le principe de la neutralité, interdit à l'État de favoriser une religion au détriment des autres.
Réactions à Québec
La ministre québécoise de la Justice Stéphanie Vallée est satisfaite du jugement. «Dans la prestation de service, dans la réception de service, l'État a une obligation de neutralité. C'est tout à fait le discours qu'on a maintenu et qu'on maintient depuis toujours sur ces enjeux.»
Alors que le gouvernement québécois planche sur son projet pour encadrer les accommodements, l'opposition lui demande de faire vite. «Ce jugement, à mon avis, ouvre toute grande la porte à monsieur Couillard, que j'appelle à légiférer enfin sur la neutralité religieuse de l'État.»
Le Parti québécois insiste aussi sur l'importance d'avoir une loi. «On a une responsabilité d'inscrire la laïcité dans nos institutions dans une loi, on a la responsabilité de mettre en place des balises»a commenté le péquiste Bernard Drainville.
«Tant que Philippe Couillard va avoir peur d'agir, bien on va avoir toutes sortes de jugements et d'interprétations. donc il y a une urgence là», a ajouté François Legault le chef de la CAQ.
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