Si les listes d'attente n'existent plus dans certains établissements de santé ou qu'elles sont réduites considérablement, c'est trop beau pour être vrai, dénoncent de plus en plus d'intervenants.
Des employés des départements de santé mentale des régions de Montréal et des Laurentides accusent leurs gestionnaires de tricher pour éliminer, sur papier, les délais subis par les patients en attente de soins. Depuis l'abolition des agences de santé au printemps, il semble que la pression à la performance pousserait certains administrateurs à recourir à «certaines manœuvres» qui ne traduisent pas la réalité sur le terrain.
Par exemple, dans la région des Laurentides, «la thérapie de groupe est très fortement utilisée, de façon systématique», explique Benoît Audet, un représentant de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). Il affirme que de nombreux collègues se sont plaints «du subterfuge de plus en plus commun pour réduire les délais».
Certains ont d'ailleurs accepté de parler à TVA Nouvelles seulement hors caméra, par crainte de représailles. «Cette pratique peut être très pertinente pour certains traitements, mais on ne peut pas l'appliquer à l'ensemble des problématiques de santé mentale. Actuellement, on généralise cette approche-là parce que ça permet d'accueillir un plus grand nombre de personnes avec moins de ressources. Ça fait en sorte que les statistiques sont meilleures», ajoute-t-il.
Des chiffres «trafiqués»?
Ses collègues de la grande région de Montréal se disent témoins d'une autre stratégie «douteuse». «Maintenant, il n'y a aucune tolérance pour une liste d'attente de plus de trente jours, selon Lydia Tremblay, représentante de l'APTS. On oblige l'intervenant à prendre des dossiers, sans égard à sa capacité de les prendre en charge ni à la complexité des situations des personnes qui demandent des services.»
«Ce qu'on nous demande, c'est de prendre des dossiers, sans même avoir la possibilité de pouvoir rencontrer les gens tellement on est débordé», ajoute Marjolaine Goudreault, qui travaille aussi dans la métropole. Elle explique que des gestionnaires demanderaient aux intervenants de téléphoner une première fois au patient, même s'il n'a pas le temps de le voir. Cet appel, comptabilisé dans le système, permettrait d'indiquer que ce dernier a été pris en charge. Son nom disparaîtrait alors de la liste d'attente.
«C'est une grande tromperie ce qui se passe actuellement. Les chiffres ne traduisent pas ce que la population reçoit comme service. Dans le fond, c'est de la manipulation de chiffres, renchérit Stephen Léger. Au fond, ces listes d'attente là sont transférées. On fait de la créativité statistique avec les chiffres.»
Barrette promet d'intervenir
«Moi, je n'ai pas demandé ça. Ça serait répréhensible à mes yeux que des gens gèrent la liste d'attente juste pour le cosmétique de la chose», avertit le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.
Il demande aux employés de la santé de dénoncer ces stratagèmes s'ils en sont témoins. «Si ces manœuvres sont effectuées dans le but de montrer au ministère et à moi-même que les listes d'attente baissent, c'est certain que je vais intervenir», dit-il.
TVA Nouvelles a parlé de la situation à plusieurs administrateurs des établissements de santé des régions de Montréal et des Laurentides. Ils démentent que la pression ait augmenté depuis l'adoption du projet de loi 10, abolissant les agences de santé.
Selon eux, les pratiques actuelles répondent aux normes, ainsi qu'au Plan d'action en santé mentale. Les intervenants débordés n'ont qu'à leur faire part de leurs inquiétudes.