130 morts, plus de 350 blessés et une France traumatisée. En trois heures, un commando jihadiste a fait entrer le pays dans une nouvelle ère sécuritaire, suscitant une onde de choc dans le monde.
21h20 heure locale, le vendredi 13 novembre. Des millions de téléspectateurs suivent un match de football France-Allemagne, quand retentit une explosion. Un kamikaze vient de faire exploser sa ceinture piégée à la porte du Stade de France, au nord de Paris, alors que le président François Hollande se trouve dans les tribunes. Un passant est tué. Dans la demi-heure qui suit, deux autres hommes se font exploser aux abords du stade, sans faire de victimes.
Quasi simultanément, trois hommes, à bord d'une Seat noire, mènent une virée meurtrière dans un quartier branché de l'Est parisien. Ils ouvrent le feu sur les terrasses de bars et restaurants, tuant 39 personnes, avant que l'un d'eux ne se fasse exploser.
Le carnage n'est pas fini.
À 21h40 heure locale, trois autres jihadistes se lancent à l'assaut d'une salle de concert du même quartier, le Bataclan, où un groupe de rock californien a attiré près de 1500 fans. «Ils tiraient, paf, toutes les 15 secondes, paf», raconte un survivant.
À 00h20, des policiers d'élite donnent l'assaut, les trois assaillants sont tués. Les rescapés enjambent les cadavres pour sortir. C'était «une boucherie», témoigne un policier. «L'Enfer de Dante», ajoute un collègue. Bilan: au moins 89 morts.
«Un grand sentiment de désolation» s'empare des services d'urgence qui tournent à plein régime pour soigner les blessés. Jamais, ils n'ont vu autant de corps criblés de balles.
Dès la fin de l'assaut, François Hollande se rend au Bataclan pour constater l'ampleur de «l'abomination». Dans une allocution télévisée, il promet une réponse «impitoyable».
«La France est en guerre», martèle-t-il pendant toute la semaine suivante, alors qu'il s'était gardé d'utiliser cette expression pendant les attentats de janvier contre le journal satirique Charlie Hebdo, un supermarché casher et des policiers (17 morts).
Mais cette fois, «c'est tout le monde qui était visé, notre mode vie», commente Kamel, un restaurateur du quartier frappé par les jihadistes.
Dans sa revendication, diffusée samedi, l'organisation État islamique (EI) se réjouit d'avoir fauché des «centaines d'idolâtres» rassemblés au Bataclan pour une «fête de perversité».
«C'est une attaque contre toute l'humanité», rétorque le président américain Barack Obama, alors que le monde entier, choqué, se pare des couleurs françaises, entonne la Marseillaise et se dit prêt à soutenir la France dans sa riposte.
Celle-ci ne tarde pas. L'état d'urgence est décrété, 3000 militaires supplémentaires sont déployés, près de 800 perquisitions sont menées, près de 165 personnes assignées à résidence.
Affirmant sa détermination à «détruire» l'EI, François Hollande ordonne l'intensification des bombardements sur la Syrie et l'Irak où l'organisation contrôle de larges pans du territoire. Le porte-avions Charles-de-Gaulle appareille mercredi pour se positionner au large du théâtre syrien.
Pour plus d'efficacité, le chef de l'État cherche à former une coalition «unique» avec les États-Unis et la Russie, dont il rencontrera les présidents la semaine prochaine.
Une «coopération» s'engage dès le 17 novembre avec l'armée russe qui pilonne aussi l'EI. Moscou reconnaît le jour même pour la première fois que l’écrasement du vol dans le Sinaï égyptien, qui a fait 224 morts le 31 octobre, était bien un attentat, déjà revendiqué par l'EI.
À ses voisins européens, Paris demande surtout d'améliorer le contrôle des frontières et la coopération entre services de renseignements. Car, si l'enquête a vite avancé, elle a mis en exergue plusieurs failles pour la sécurité du continent.
Très vite, les enquêteurs ont compris que trois commandos ont mené les attentats. Rapidement, ils identifient quatre des sept kamikazes, des Français ayant presque tous séjourné en Syrie.
Ils repèrent près de la frontière belge Salah Abdeslam, un Français résidant en Belgique, soupçonné d'être l'un des membres du commando des terrasses. La traque s'engage des deux côtés de la frontière.
Surtout, ils sont mis sur la piste de l'organisateur présumé, le Belgo-Marocain, Abdelhamid Abaaoud, arrivé incognito en France. Mercredi matin, 110 policiers d'élite lancent l'assaut contre sa planque, un appartement dans la ville populaire de Saint-Denis, au nord de Paris.
Le raid est spectaculaire et très violent. Plus de 5000 balles sont tirées, le quartier est bouclé. L'immeuble s'écroule en partie, la situation est confuse, il y a trois morts, huit arrestations.
Le lendemain, François Molins, le procureur de Paris qui mène l'enquête, confirme le succès de l'opération: Abdelhamid Abaaoud, surnommé Abou Omar al-Baljiki («le Belge» en arabe) et figure de l'EI, est mort à l'âge de 28 ans.
Vendredi, la justice identifie une femme morte à ses côtés pendant l'assaut: sa cousine Hasna Aitboulahcen, une Française d'origine marocaine de 26 ans, qui s'était radicalisée après une jeunesse tumultueuse. Reste à identifier un troisième corps, sans doute un homme, qui s'est fait exploser dans le raid.
Il faut aussi pour les policiers mettre la main sur Salah Abdeslam et comprendre comment les jihadistes, pour certains biens connus des services de renseignement, ont pu rentrer en Europe au nez et à la barbe de tous.
Et pour la population K.O., se relever, reprendre des habitudes de transports publics, dans les commerces et restaurants, avec des appels à se retrouver «#tousaubistrot».
«Ils ont les armes, on les emmerde, on a le champagne»: clamait cette semaine le dessin de Une de Charlie Hebdo, dont la rédaction avait été décimée le 7 janvier.
Dans le même esprit de défiance, des Français promettaient de «faire du bruit et de la lumière» vendredi à 21h20, une semaine exactement après le début du carnage.
Dans la matinée, le cauchemar se répétait à Bamako, où une attaque contre un hôtel fréquenté par de nombreux étrangers a fait une vingtaine de morts.
François Hollande a aussitôt appelé les Français se trouvant «dans des pays sensibles» à prendre leurs «précautions».