La chaîne Walmart veut ouvrir ses magasins Supercentre jusqu’à 23 heures, tout comme le font bon nombre de supermarchés d’alimentation.
Le Québec compte une trentaine de magasins Walmart Supercentre, où l’on retrouve des fruits et légumes frais, de la viande, des charcuteries, des produits de boulangerie et des mets pour emporter.
«Nous croyons que nous méritons le même traitement que les supermarchés d’alimentation», a indiqué au Journal de Québec le porte-parole de Walmart Canada, Alex Roberton.
Présentement, les magasins Walmart doivent fermer leurs portes à 21 heures en semaine. Les fins de semaine, ils doivent faire de même à 17 heures, tout comme tous les autres commerces de détail.
La législation québécoise sur les heures d’ouverture prévoient cependant une exception aux commerces qui proposent une offre alimentaire d’au moins 51% de l’offre globale de son magasin.
Walmart reconnaît qu’elle ne respecte pas ce pourcentage dans les magasins Supercentre, mais plaide que la vente de produits alimentaires représente plus de 60% de tous les articles écoulés dans ses magasins.
Walmart entend intensifier ses pourparlers auprès des élus du gouvernement Couillard pour les sensibiliser à ses demandes.
Le Journal rapporte de plus que le géant américain veut de nouveau faire pression pour pouvoir vendre de la bière et du vin dans ses magasins Supercentre dans la province.
Des réactions plutôt négatives
«C’est une proposition impossible et farfelue», a déclaré mardi Florent Gravel, président-directeur général de l’Association des détaillants en alimentation du Québec. «Après 21 heures, et jusqu’à 8 heures, le maximum d’employés permis par la loi est de quatre. Comment Walmart pourrait opérer avec seulement quatre employés, en incluant un gardien de sécurité ?»
«Cette demande en cache une autre : Walmart souhaite pouvoir vendre de l’alcool, et pour cela, il doit obtenir un permis d’épicerie, ajoute Florent Gravel. Et pour l’obtenir, il y a une législation claire à respecter : 51 % et plus de ses ventes doivent entrer dans la catégorie alimentaire.»
«Est-ce que le gouvernement veut changer la législation pour les accommoder ? Est-ce qu’on va permettre à n’importe quel commerce de vendre de l’alcool ?»
Roxane Larouche, porte-parole des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce Canada (TUAC), se dit également contre des succursales de Walmart ouvertes jusqu’à 23 h. «La loi sur les heures d’ouverture a été adoptée au Québec en 2009 à la suite d’un large consensus entre les bannières, les syndicats et les citoyens», rappelle-t-elle. «Le but était de protéger les employés et s’assurer qu’ils aient une bonne qualité de vie.»
«Walmart n’est pas un établissement alimentaire. C’est un commerce de détail, comme Réno-Dépôt ou Canadian Tire», poursuit Roxane Larouche. «Avec ses supercentres, Walmart tente de s’accaparer des parts de marché. Ça ne doit pas aller si bien. Il y a eu des fermetures et des licenciements ces derniers temps en Amérique du Nord.»
Walmart tente d’imposer sa loi et de changer les règles du jeu, croit la syndicaliste. «Ici, au Québec, les grandes bannières se tiennent avec le gouvernement et respectent le consensus établi en 2009. Mais ça reste un équilibre fragile. »
«Pourquoi les supermarchés devraient-ils être protégés contre Walmart ?», demande pour sa part Benoit Duguay, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, spécialiste de la consommation. «J’ai l’impression que les supermarchés essaient de garder tout pour eux. Je ne suis pas en faveur de trop de législations. Vous voulez faire des affaires ? Vous êtes libres de faire ce que vous voulez.»
«Le seul qui me préoccupe, c’est le consommateur», affirme l’universitaire. «Les prix chez Walmart sont parfois très réduits par rapport à la concurrence. Ça fait peur à certains, mais c’est ça, la libre concurrence. »
Michel Gadbois, président de l’Association canadienne et québécoise des dépanneurs en alimentation, estime que toute cette affaire n’est que spéculation et ne croit pas que les dépanneurs soient menacés par Walmart.
«Et en ce qui nous concerne, on ne vise pas la même clientèle. Ce qu’offrent nos 6 400 dépanneurs, c’est la rapidité et la proximité de l’achat. On vend du temps. Cela dit, Walmart peut souhaiter tout ce qu’il veut, mais il y a une règlementation. Veut-il augmenter la part de l’alimentaire, et demander un permis d’alcool ? C’est peut-être une tentative d’améliorer leurs résultats, qui ne sont pas ceux escomptés.»