Perquisition menée au siège de l'UEFA, démission à la FIFA : au lendemain du départ du premier ministre islandais, les rebondissements se poursuivaient mercredi dans l'affaire des «Panama Papers» alors que les grands pays affichent leur volonté de combattre l'opacité fiscale et de mettre au pas le Panama.
Au milieu du déballage des pratiques financières de tout un éventail de dirigeants, entrepreneurs, sportifs, banques, criminels dont peut-être des barons de la drogue qui utilisent les services du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca pour créer des sociétés offshore, la justice mène l'enquête.
En Suisse, la police fédérale a perquisitionné le siège de l’Union européenne des associations de football (UEFA) à Nyon pour obtenir les contrats concernant l'attribution des droits TV en Équateur à la société Cross Trading, citée dans ce vaste scandale de placements dans des paradis fiscaux révélé dimanche. Et le nom du nouveau président de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), Gianni Infantino, apparaît aussi.
Dans la journée, c'est l'Uruguayen Juan Pedro Damiani qui a démissionné de la commission d'éthique de la FIFA, lui aussi cité dans les «Panama papers» qui ont déjà coûté son poste mardi au premier ministre islandais David Sigmundur Gunnlaugsson.
Ces révélations ont fait souffler un vent de transparence, d'autant que les États-Unis, première économie mondiale, sont en train de combattre de leur côté l'optimisation fiscale des entreprises. Au point qu'une méga-fusion à 160 milliards $ dans le secteur pharmaceutique, entre Pfizer, le fabricant du Viagra, et Allergan, celui du Botox, a été abandonnée mercredi.
«La question de l'évasion fiscale est un énorme problème», avait affirmé mardi le président américain Barack Obama, en réclamant un durcissement des législations en vigueur et un renforcement de la coopération internationale.
En Europe, le commissaire européen chargé des Affaires économiques, Pierre Moscovici, a souligné mercredi «l'urgence» pour l'UE d'élaborer une «liste noire» unique de paradis fiscaux sur la base de critères communs aux 28 États membres.
«Que ce soit au G20 ou dans le cadre de l'OCDE, la France va faire en sorte que la coopération internationale soit renforcée», avait aussi assuré le président français François Hollande.
Dès la semaine prochaine à Washington, à l'occasion des assemblées de printemps du FMI et de la Banque mondiale, les ministres des Finances des pays les plus puissants du monde vont aborder les questions soulevées par ces révélations lors d'un G20 Finances.
En attendant, la France a décidé mardi de réinscrire le pays latino-américain sur sa liste des paradis fiscaux, et demande à l'OCDE, le groupe des pays avancés qui pilote la lutte contre l'optimisation fiscale au niveau mondial, de lui emboîter le pas.
«Il est très important que nous exploitions cette opportunité pour faire pression sur le Panama», qu'il cède et ne soit plus à contre-courant de la tendance mondiale qui tend à davantage de transparence fiscale, a déclaré mardi soir à Berlin le Secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria.
Les représentants des services fiscaux des pays de l'OCDE ont prévu de se réunir d'urgence pour parler du Panama.
Mais le pays latino-américain ne semble pas disposé à changer sa politique alors que la plupart des personnes éclaboussées par les révélations distillées depuis dimanche par les membres du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) se défendent en disant respecter la loi.
Le gouvernement panaméen riposte en s'en prenant à l'OCDE et à la France : «de toute évidence, (vous) utilisez l'information émanant du récent rapport diffusé par les médias internationaux pour déformer les faits et ternir la réputation du pays», a dénoncé le vice-ministre des Affaires étrangères, Luis Miguel Hincapié, dans un courrier à l'OCDE vu par l'AFP.
Le Panama accuse le chef de l'OCDE d'avoir pour dessein «de contraindre à l'adoption de la norme de l'OCDE pour l'échange automatique d'informations» fiscales, le nouveau standard mondial récemment mis en œuvre par presque tous les pays.
La France est aussi menacée : «au Panama, il existe une loi qui prévoit des mesures de rétorsion contre les pays qui inclueraient le Panama sur les listes grises», a averti devant la presse le directeur de cabinet de la présidence, Alvaro Aleman.
L'Algérie a également choisi la contre-attaque: elle a convoqué l'ambassadeur de France pour dénoncer «une campagne hostile» en France contre son ministre de l'Industrie algérien Abdesselam Bouchouareb, cité par le journal Le Monde pour avoir détenu une société de gestion immobilière établie au Panama.
En Tunisie, un homme politique a lui porté plainte mercredi pour «diffamation» contre un média local.
Selon les «Panama Papers», plus de 500 banques ont aidé leurs clients à gérer des sociétés offshore, avec pour certaines, une évasion fiscale à la clef.