Bernard Lemaire, qui a fondé Cascades avec son père en 1963, fêtera ses 80 ans sous peu, mais pour lui, la retraite n’est pas synonyme d’oisiveté.
Lui qui a été président d'une entreprise spécialisée dans la fabrication de papier et de carton pendant 30 ans, et qui a fait grandir un petit moulin à papier de Kingsey Falls pour en faire une multinationale avec 90 usines et 11 000 employés au Canada, aux États-Unis et en France, ne pouvait rester à ne rien faire à sa retraite.
M. Lemaire, qui ne connaissait absolument rien à l'agriculture, s’est investi dans l’élevage de bovins Highland, ces vaches rousses à longs poils et à longues cornes. Entrevue.
Comment vous est venue l'idée d'élever des bovins ?
«Il y a cinq ans, comme je venais de lâcher le conseil de Cascades et de Boralex [spécialisée dans les énergies renouvelables], je n'avais plus de trouble et je m’en cherchais des nouveaux [rires]. Quand j'ai commencé dans le papier, je prenais du recyclé au lieu des arbres. Ce n’était pas toujours parfait, mais j'ai surmonté beaucoup de problèmes pour réussir et faire de l'argent puis monter des usines.»
«Je n'ai jamais été agriculteur de ma vie. Mon père avait une compagnie de cueillette des ordures à Drummondville. Mon fils Patrick, qui est président de Boralex, avait trois ou quatre vaches Highland et il m'a dit que ça peut rester dehors en hiver et que ce n'est pas d'entretien. Je me suis dit : c'est parfait. J'ai commencé avec quelques vaches, puis j'ai acheté des terres dans la région et aujourd'hui le troupeau avoisine les 1 000 têtes. Elles sont groupées par lot de 50 bêtes sur plusieurs sites.»
Comment commercialisez-vous votre production ?
«Les bovins, principalement les mâles [les femelles étant conservées pour la reproduction], sont abattus avant l'âge de 30 mois dans un abattoir de la région. Anne-Charlotte, ma petite-fille [qui assistait à la rencontre], est la directrice de l'entreprise et de la marque Highland des cantons. On a une équipe d'une quinzaine de personnes. On vend notre viande dans des épiceries qui cherchent de la viande naturelle, sans hormone, et qui sont prêtes à payer pour cette qualité. Parmi nos clients, il y a des IGA de la région, les supermarchés santé Avril, des boucheries et des restaurants.»
«On manque de viande maintenant. L'année passée, nous étions sur le bord d'être en rupture de stock. On a alors augmenté nos prix de 30 %, mais la demande a été à la hausse. La viande de boeuf Highland est plus maigre et c'est vraiment différent comme goût.»

Agence QMI
Vous qui surveillez l'économie, comment ça se porte au Québec, selon vous ?
«Ça va bien, mais quand on regarde la politique, ils se chicanent toujours au lieu de travailler au développement. Moi, je suis aussi dans le pétrole avec 30 % des actions de Junex. À Gaspé, on a des puits sur la propriété Galt et on a sorti à date 400 000 $ de pétrole. J'ai mis 7 millions $, soit 30 % du projet, et on est arrêté depuis un an. Un exemple, quand on sort du pétrole, le tiers c'est de la saumure. On nous oblige à envoyer la saumure à Montréal à 15 cents du litre pour le traitement et ça finit dans les égouts de la ville. On pourrait mettre ça dans l'océan, mais il y a des petites roches dans la saumure qui pourraient affecter les poissons.»
Que pensez-vous des ventes des entreprises québécoises ?
«Moi je suis nationaliste, pas séparatiste. Je suis parti de rien. J'étais vidangeur. Au Québec, on est capable. Nous avons du monde intelligent. Les ventes des compagnies, ça, c’est de la business. Chez Cascades, on a une trentaine d'usines aux États-Unis. Penses-tu qu'on n’a pas acheté quelques moulins de papier ! Puis de l'autre côté, nous avons vendu Papier Roland à un Américain qui lui se spécialise dans le papier pour les photocopieurs.»
«Je suis fier de notre différence et de notre français parlé. As-tu vu le nombre d'artistes qu'on a ici pour un si petit pays ?»
Biographie
Bernard Lemaire est né à Drummondville (Québec) le 6 mai 1936. Issu d'une famille de cinq enfants, il a fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale avant de s'inscrire, en 1957, au programme de génie civil de l'Université de Sherbrooke, puis de l'Université McGill.