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Les juges reçoivent les victimes

Six mois après les attentats qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris, les juges français recevaient pour la première fois mardi les victimes pour les informer des progrès de l'enquête, freinée par le refus de collaborer du suspect-clé, Salah Abdeslam.

Les premières victimes ou leurs proches sont arrivées vers la mi-journée, devant les objectifs des médias, pour une réunion sur les attaques jihadistes qui ont visé le 13 novembre les terrasses de cafés et restaurants parisiens et le Stade de France, au nord de la capitale. Deux autres sessions seront consacrées mercredi et jeudi à la tuerie la plus sanglante, perpétrée dans la salle de concert du Bataclan.

Inédites par leur ampleur avec plus de 1000 parties civiles conviées, ces réunions à huis clos se dérouleront sur trois après-midis.

Les juges, accompagnés de représentants du parquet de Paris, devaient exposer les avancées de l'enquête en France et en Belgique, base arrière de la cellule jihadiste, et leurs objectifs. Puis, les parties civiles pourront les questionner.

«Ces trois journées participent au processus de reconstruction car on met des mots sur ce qui s'est passé», a estimé la secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes Juliette Méadel. Face à un risque de «flambée traumatique» et de résurgence de «souvenirs douloureux», «des psychiatres et des médecins urgentistes» sont sur place, a-t-elle ajouté dans un communiqué.

«C'est comme un accident de voiture, on veut savoir pourquoi il y a eu cet accident et comment», explique à l'AFP Jean-François Mondeguer, père de Laura, décédée au restaurant La Belle Équipe. «Ce n'est pas une étape dans le deuil», dit-il, ému, mais «une étape dans la recherche de vérité».

Beaucoup attendent des informations sur Abdeslam, seul membre des commandos parisiens encore en vie, qui a toutefois douché les espoirs vendredi lors de son premier interrogatoire par la justice française, au cours duquel il s'est réfugié derrière son droit au silence. «Cette première rencontre s'annonce frustrante. Nous espérions beaucoup de ses premières déclarations», souligne l'avocate Sylvie Topaloff.

Mais d'autres questions attendent des réponses. «Comment ont été organisés les attentats? Comment se déroule la coopération franco-belge? Qui sont les instigateurs?», énumère ainsi l'avocat Emmanuel Daoud.

Parmi les zones d'ombre figure la sécurité du Bataclan: une information judiciaire, ouverte en 2010, sur un projet d'attentat visant la salle de spectacles s'était soldée par un non-lieu en 2012, faute de charges suffisantes.

Me Daoud relève aussi que «beaucoup de temps s'est écoulé entre le début de la prise d'otages au Bataclan et l'assaut de la police». «Il n'est pas question de faire le procès de l'État, mais d'essayer de comprendre.»

«On veut savoir pourquoi les services de renseignements n'ont pas fait leur boulot!», s'agace encore, sous couvert d'anonymat, le père d'une victime du Bataclan. Dix-sept familles entendent déposer plainte contre l'État belge, coupable à leurs yeux de défaillance dans la surveillance des frères Abdeslam.

D'autres souhaitent connaître le sort réservé aux inculpés (plus d'une dizaine) détenus à l'étranger. La justice française a demandé à Bruxelles la remise de quatre suspects incarcérés en Belgique. Quand seront-ils «transférés en France» et «les personnes en prison en Autriche ou en Turquie» seront elles «aussi réclamées par les juges?», s'interroge Me Philippe Stepniewski.

Quoi qu'il en soit, il sera trop tôt pour obtenir la date d'un éventuel procès.

«Il va falloir faire preuve de patience», souligne Georges Salines, président de l'association «13 novembre: fraternité et vérité», dont la fille a été tuée au Bataclan. «Nous ne souhaitons pas que les magistrats fassent preuve de précipitation: l'enquête doit être la plus complète possible pour remonter la chaîne des responsabilités et mettre le maximum de personnes hors d'état de nuire.»

Des réunions de ce type ont déjà été organisées en France dans le cadre d'enquêtes sur des catastrophes de grande ampleur, comme le crash du vol Rio-Paris en 2009.

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