Plus qu’un revenu, Uber procure fierté et liberté à la quarantaine de chauffeurs sourds et malentendants de la métropole, des avantages qu’ils craignent de perdre avec le projet de loi sur l'industrie du taxi.
«On se sent égaux aux personnes entendantes, car nos limitations auditives ne nous empêchent pas de travailler», a expliqué Benoit Landry, sourd de naissance et chauffeur Uber depuis un an.
Selon lui, dans un marché du travail encore très discriminant envers les personnes handicapées, Uber brise les barrières. La multinationale a développé en mai 2015 des fonctionnalités spécifiques sur son application pour les chauffeurs malentendants ou sourds, comme une lumière clignotante lorsqu’un potentiel client se manifeste.
«À partir du moment où tu as un permis, tu peux devenir chauffeur, lance M. Landry. J’ai déjà vu des chauffeurs en fauteuil roulant. Alors que pour être taxi, il faut passer une visite médicale et une formation notamment en communication, c’est certain que pour nous c’est impossible.»
Sortir de l’exclusion
Actuellement employé à temps plein dans une institution bancaire, Benoit Landry se définit comme chauffeur à temps partiel, mais d’autres ont trouvé dans ce service un emploi à temps plein.
«Pour 80% de la communauté sourde, c’est très difficile de trouver un emploi et Uber a permis à plusieurs de sortir de l’aide sociale ou du chômage», a-t-il ajouté.
Sensibiliser le client
Pour M. Landry, l’intégration professionnelle des personnes sourdes est au bénéfice de toute la société, puisqu’elle permet aussi de sensibiliser le public.
Lorsqu’il réserve son Uber, le client est avisé que son chauffeur sera sourd et est libre de refuser. «Personne ne m’a refusé jusqu’à présent, et je conduis aussi bien qu’un entendant. Mes yeux sont mes oreilles», ajoute celui qui tient un volant depuis plus de 30 ans.
L’industrie en retard
Difficile pour ce cinquantenaire d’envisager faire du taxi, les exigences de l’industrie n’ayant pas été pensées pour des personnes avec son handicap.
«Je peux comprendre la frustration des chauffeurs de taxi face à Uber, mais ils ne pensent pas à l’accessibilité, et ça aussi c’est frustrant», a mentionné Benoit Landry, qui espère que la multinationale restera au Québec.
À la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), on confirme qu’une personne atteinte de surdité totale ne peut détenir un permis de classe 4 C, nécessaire pour devenir taxi.
Le ministère des Transports et les représentants des taxis n’ont pas souhaité commenter.