Pour la première fois de leur histoire, chauffeurs et représentants de l’industrie du taxi feront front commun pour lutter contre la poursuite des activités d’Uber au Québec, promettant des actions pouvant aller jusqu'au blocage de voies de circulation et même à la grève.
«Nous sommes loin d’être démunis parce qu’au moins nous sommes unis et c’est la première fois qu’on peut dire qu’on s’allie par écrit, autant sur un plan d’action que sur l’argent pour avoir la capacité de réussir», a lancé Guy Chevrette, porte-parole du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi (CPCDIT).
Mardi, une vingtaine de représentants de chauffeurs et de propriétaires de taxi, à l'exception de Taxelco, l'entreprise d'Alexandre Taillefer, venus de toute la province ont décidé de créer un comité responsable afin de «mettre en place toutes les actions terrains et mesures juridiques nécessaires pour démasquer les illégalités de ce gouvernement».
Recours juridiques
Les premières actions seront d’ordre juridique avec le dépôt mercredi d’une mise en demeure afin de demander au gouvernement de suspendre le projet pilote prévu pour Uber.
Jeudi, le comité prévoit aussi préparer une injonction afin d’interdire provisoirement ce projet «pour débattre sur le fond».
«On espère que les tribunaux nous donneront raison sur l'inégalité et le manque d’équité de cette entente», a ajouté M. Chevrette, qui n’a pas souhaité dévoiler de calendrier. Il promet tout de même des actions «scandales». «Aucun moyen n’est exclu et la grève n’est pas exclue.»
Voitures Uber saisies
Avec l’entrée en vigueur de la loi 100 jeudi dernier, «Uber est actuellement en dehors du cadre légal», a confirmé le Bureau du taxi de Montréal (BTM), qui affirme avoir saisi trois voitures UberX depuis cette date. Un rapide coup d’oeil sur l’application nous a aussi permis de constater que plusieurs chauffeurs poursuivaient leurs activités malgré tout.
Sans confirmer ou affirmer l’illégalité d’Uber, au cabinet du ministre Laurent Lessard, on se fie au discernement des contrôleurs routiers afin qu’ils appliquent les lois du Québec. «Le ministre n’a émis aucune directive au BTM», a affirmé son attaché de presse, Mathieu Gaudreault.
Entente à résilier
Rappelant l’union de l’industrie, Benoît Jugand du Regroupement des travailleurs autonomes Métallos (RTAM), a surenchéri, souhaitant «entreprendre toutes les démarches possibles pour faire plier le gouvernement [afin de] résilier l’entente, car déjà Uber ne l’a pas respectée».
En visite à Cuba, le premier ministre Philippe Couillard a rappelé que l’entente était «équitable» et a assuré que les «chauffeurs de taxi n’y perdront pas, ils vont y gagner».
«On savait bien que tout changement, surtout un changement important comme celui-là, apporterait des réactions négatives, c’est inévitable», a-t-il reconnu.
Rappelons que selon l'entente signée mercredi dernier, le projet pilote Uber d'un an devrait débuter fin septembre et prévoit notamment un plafond de 50 000 heures de transport par semaine, soit environ 300 permis de taxi, en plus d'imposer un tarif minimum par course et de collecter TPS et TVQ.
Les chauffeurs d’UberX inquiets
Après l’entente conclue entre Uber et le gouvernement la semaine dernière, certains chauffeurs UberX craignent que travailler pour la multinationale ne devienne trop complexe.
«La plupart des chauffeurs font ça pour boucler leurs fins de mois, ils ne rêvent pas de devenir chauffeurs de taxi, lance Yannick, étudiant à Laval et chauffeur UberX depuis plusieurs mois. Si ça devient trop compliqué, beaucoup vont arrêter.»
Trop de règles?
Entre les permis de conduire de classe 4C, les plaques d’immatriculation spécifiques et la collecte de taxes dès le premier dollar, des chauffeurs redoutent de perdre la flexibilité d’Uber qui les a séduits.
«Quand on fait ça à temps partiel, comme un passe-temps, toutes ces règles, ça devient un peu trop», ajoute Éric, étudiant sur la Rive-Sud.
Selon eux, ceux qui cesseront d’utiliser Uber, chauffeurs comme passagers, se tourneront vers d’autres applications. «Ce n’est pas les innovations qui manquent, les gens vont créer des communautés et s’organiser, Uber n’était que le premier», poursuit Yannick.
Quotas suffisants
S’ils craignent que le futur fonctionnement d’Uber soit trop complexe, ils croient que la limite d’heures ne sera pas une barrière.
«Pour atteindre le 50 000 heures, il faudrait que 1000 chauffeurs fassent du 50 h par semaine, c’est énorme, s’exclame Éric. Encore une fois, les gens que je connais qui font ça, c’est pour quelques heures, rarement un temps complet.»
Peu d’informations
D’ici la mise en application du projet pilote fin septembre, ni l’un ni l’autre ne semblait savoir que leur véhicule pouvait faire l’objet d’une saisie.
«La semaine dernière, on a reçu un courriel comme quoi Uber maintenait ses activités», indique Éric, visiblement confus.
Discret depuis l’annonce de l’entente, Uber n’a pas souhaité intervenir. «Nous ne sommes pas encore en mesure de commenter puisque nous étudions les implications des paramètres du projet pilote», a indiqué Jean-Christophe de Le Rue, porte-parole d'Uber au Québec.