Les entreprises Petit cochon rose et Équité Canada ont floué des centaines de Québécois en détresse financière. Leur promesse initiale: vous aider à traverser des moments difficiles. Or, plusieurs clients rencontrés par «J.E.» lèvent le voile sur des arnaques à grande échelle.
Avec ses publicités radio, son réseau de succursales et ses conseillers crédibles, le Petit cochon rose a réussi à séduire des centaines de Québécois surendettés. Julie Joannette, mère de famille, pensait pouvoir alléger ses dettes qui dépassaient les 7000$. «Ils nous ont offert de négocier nos dettes à la baisse avec nos créanciers. On devait seulement payer un montant par mois au Petit cochon rose qui s’occuperait de payer nos créanciers», raconte-t-elle.
La solution paraissait séduisante pour la jeune mère de famille. Ce n’est qu’après avoir versé plusieurs centaines de dollars à la firme qu’elle a flairé l’arnaque. «On n’a jamais reçu les services promis. Nos dettes ont explosé et le Petit cochon rose n’a jamais donné un sou de l’argent qu’on leur versait».
Des centaines de victimes
Au micro de «J.E.», plusieurs clients se disent victimes du même stratagème. «Quand j’ai été les voir, j’étais seulement deux mois en retard de paiement. Maintenant, j’ai perdu mon crédit, j’ai reçu des lettres d’avocat, j’ai tout perdu finalement. J’ai aussi perdu 2000$ en payant le Petit cochon rose», confie Diane Cyr.
Ces consommateurs étaient déjà pris à la gorge, voilà que leurs dernières économies se sont envolées. Mais où sont donc passés les milliers de dollars que les clients ont versés à l’entreprise? Difficile de le savoir, puisque l’entreprise a débranché ses lignes téléphoniques et déménagé plusieurs de ses succursales cet été.

«J.E.» a tout de même réussi à retrouver et à confronter la présidente de l’entreprise, Caroline Lebel. «C’est vous les arnaqueurs», a-t-elle répondu à notre équipe d’enquête, lorsqu'elle a été abordée à l’improviste.
Des sources à la GRC ont confirmé qu’une enquête était en cours et que des soupçons de fraude pèsent sur les dirigeants de l’entreprise. À ce jour, aucune accusation n’a toutefois été déposée contre eux.
Des recours difficiles
Au Québec, n’importe qui peut s’improviser redresseur financier. Sans diplôme ni permis, ces « conseillers » ne sont soumis à aucune règle spécifique.
«Il y a de l’argent à faire. Moi, je pourrais ouvrir un bureau au coin de la rue et offrir mes services, dire n’importe quoi et vous charger un prix», dénonce Caroline Soulard, consultante budgétaire à l'ACEF Rive-Sud.
«Les arnaqueurs ont pris du sérieux et ils se sont professionnalisés. Lorsque les consommateurs vont frapper à leur porte, ou lorsqu’ils voient une publicité, ils n’identifient pas que c’est une entreprise louche ou pas tout à fait légale», signale-t-elle.
Pourtant, d’autres législations encadrent l’industrie des redresseurs financiers. L’Ontario, l’Alberta et la Nouvelle-Écosse, par exemple, exigent un permis spécifique, et leurs tarifs sont réglementés.
«Actuellement, étant donné qu’il n’y a pas de loi qui encadre ce genre de pratique, il semblerait que les Québécois soient moins bien protégés», met en garde Pierre Fortin, syndic en insolvabilité.
«Les institutions financières peuvent aider les consommateurs sans frais. Les ACEF, Option consommateur et des organismes communautaires peuvent aussi aider gratuitement les gens. Des syndics autorisés peuvent aussi le faire», suggère-t-il.
Votre situation financière sur Internet
Vous pensiez que vos déboires financiers étaient confidentiels, détrompez-vous ! Des bases de données accessibles au grand public, sur Internet, font état de vos problèmes dans le menu détail.
L’entreprise Équité Canada utilise ces données pour identifier et solliciter des propriétaires de maison en détresse financière.
Sylvain et Angelo sont tous deux propriétaires de résidence sur la Rive-Nord de Montréal. L’automne dernier, ils accumulaient les retards de paiement sur leur hypothèque. Au même moment, ils ont reçu un appel de la firme Équité Canada. Un représentant leur offrait de l’aide pour éviter la saisie de leur maison.
«Ils ont suggéré d’acheter ma résidence, en payant une partie de mes dettes. Je devenais en quelque sorte locataire pendant quelques années, mais je gardais une option de racheter ma maison moyennant certains frais», raconte Sylvain, propriétaire d’une maison à Repentigny.
Or, plusieurs clients d’Équité Canada n’ont jamais reçu l’aide promise par la compagnie. Un ancien employé de la firme soutient que l’objectif était de saisir les maisons et de profiter de la vulnérabilité des propriétaires. «Saisir la maison, faire de l’argent, expulser le client, zéro de les aider. C’était ça l’objectif, prendre les dernières cennes qui leur restent», explique-t-il.
«Équité Canada n’a pas versé un sou, n’a jamais payé l’hypothèque comme promis. Ils n’ont rien payé», raconte Sylvain qui a perdu sa maison.

capture d'écran, TVA Nouvelles
Équité Canada brouille les pistes
Équité Canada est dirigé par un jeune entrepreneur de 28 ans: Cédric Lajoie. Lorsque «J.E.» a tenté de le contacter, ses bureaux étaient abandonnés et son numéro de téléphone désactivé.
Aux termes de plusieurs semaines d’enquête, une équipe a réussi à le confronter. «Il n’y a rien d’illégal ou de fraude, assure-t-il. C’est juste le côté immoral, et j’ai fini par m’en rendre compte».
Lors d’une deuxième entrevue réalisée à sa demande, Cédric Lajoie a maintenu que des erreurs de communication avaient été corrigées. «Qui n’a pas fait des erreurs dans sa vie», a-t-il plaidé. Pourtant, Sylvain et Angelo s’estiment floués par Équité Canada.
«À l’âge de 65 ans, je vais être en train de payer ma maison encore, et peut-être même à l’âge de 70 ans», concède Angelo. «Équité Canada a détruit mon crédit, et a brisé ses promesses. Ils m’ont vendu du rêve, et je suis naïvement embarqué dans le panneau», conclut Sylvain.