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«J’ai 7 ans, un homme me réveille, il est penché sur moi»

Les représentations sur sentence de Sébastien Bordage, un pédophile reconnu coupable d'agressions sexuelles sur deux fillettes, se tiennent jeudi au palais de justice de Sept-Îles. 

L’audience a commencé avec le témoignage poignant de la mère d'une victime.  Elle a lu avec beaucoup d'aplomb une lettre destinée à l'accusé.  Elle s'est adressée directement à lui. Sébastien Bordage l'a regardé en essuyant quelques sanglots. 

Cette femme a déclaré que l'accusé a volé une partie de l'enfance de sa fille et que cet événement a aussi affecté son fils. C’est son fils qui a permis de mettre fin à l'agression quand il est allé voir sa sœur dans sa chambre après avoir entendu ses plaintes. 

Elle a aussi parlé des effets dévastateurs de l'enquête qui a suivi sur elle et son conjoint. Ce dernier a subi un test de polygraphe parce que les policiers ont entretenu des soupçons envers lui en début d'enquête.

Elle a terminé son récit en disant à l'accusé qu'il avait détruit sa famille, mais qu’elle et ses enfants vont maintenant déployer leurs ailes.  Un policier et un psychologue ont aussi témoigné. 

Introduction par effraction

Bordage a reconnu sa culpabilité à des accusations d'agressions sexuelles sur des fillettes de sept et neuf ans en moins de quatre mois d'intervalle (avril et août 2014) à la résidence même des victimes.  

Dans les deux cas, Sébastien Bordage s'est introduit discrètement pendant la nuit dans les résidences où se trouvaient aussi les parents des victimes avant de commettre les crimes.

L'arrestation de Sébastien Bordages a pu été possible  grâce à la découverte de sous-vêtements d'une des victimes dans les poubelles de la résidence de l'accusé et d'une expertise d'ADN.

Voici la lettre lue par la mère des victimes devant le tribunal jeudi matin.

«Bonjour, Mme la juge, merci de me laisser exercer mon droit de parole.

31 mars 2014...

Je m’appelle Marie *. J’ai 7 ans. Je dors paisiblement dans mon lit. Un homme me réveille. Je ne le connais pas! Il est penché sur moi, il me dit qu’il n’est pas un voleur. J’ai tellement peur! J’ai envie de crier, mais rien ne sort de ma bouche. Il abuse de mon petit corps. Je sais qu’il n’a pas le droit, c’est mon corps! Des larmes roulent sur mes joues. J’essaie de crier, d’appeler ma maman. Rien ne sort de ma bouche. Sébastien Bordage vient de me voler mon innocence.

Je m’appelle Félix*,  j’ai 8 ans. Mon chien se réveille et grogne. Je me lève, me dirige vers la chambre de ma petite sœur. Un homme est penché sur elle. Il me voit, arrête, se relève. Je suis le grand frère, je dois l’arrêter! Je ne pense même pas à crier ou appeler mes parents. Je dois défendre ma sœur. Je le pousse, il me place par terre. Il part, montre les marches du sous-sol, nous fixe ma sœur et moi. Sébastien Bordage vient d’agresser sexuellement ma sœur. Sébastien Bordage vient de me mettre pour plusieurs années la peur au ventre. Sébastien Bordage vient de me voler ma sérénité d’enfant.

Je m’appelle Julia*, je suis la maman de ces deux enfants. Comme ma fille est la première petite victime connue de Bordage, je voulais prendre la parole aujourd’hui Mme la juge pour ventiler, m’exprimer et passer à autre chose du mieux que je le pourrai; et si vous me permettez je voudrais m’exprimer directement à l’accusé.

Cette nuit-là, tu as fait de notre vie un enfer. Ce que tu as fait est tellement invraisemblable, que la plupart des gens ne nous croyaient pas. Nous avons été traités de menteurs, de mauvais parents; on a accusé mon mari d’avoir abusé de Marie à ta place. On nous a menacés de nous enlever nos enfants.

Tu n’auras jamais idée de tout ce que nous avons dû endurer par ta faute!!! Nous avons été harcelés à nos emplois respectifs, nous avons reçu des courriels de menaces nous disant de nous la fermer, on a même été jusqu’à dire que nous nous faisions de la publicité sur le dos de notre fille!

On nous a traités comme si c’était nous les criminels, alors que toi tu étais libre; tellement libre que tu as recommencé. Tu as fait une autre petite victime. Tu as brisé une autre famille.

J’ai été des mois à laisser mes enfants dans la voiture avant de rentrer dans la maison, d’en faire le tour un couteau à la main pour voir si quelqu’un y était caché! Nous avons dû déménager, car nous n’étions plus du tout capables d’y vivre. Ton fantôme y était en permanence.

Puis en juin 2015, on nous a annoncé qu’ils allaient t’arrêter, c’était un mardi. Mes jambes ont lâché, je suis tombée par terre et j’ai hurlé, pleuré...enfin!

Le monstre qui a fait de notre vie un cauchemar ne se baladerait plus en pleine rue, il n’y aurait pas d’autres familles qui vivraient le même cauchemar que nous.

Deux ans plus tard, plusieurs séquelles sont restées, et ce pour toujours, mais nous sommes forts et soudés et ça, tu n’as pas réussi à nous l’enlever.

Aujourd’hui Sébastien Bordage, c’est toi l’accusé. C’est toi qui as les mains liées par les menottes. Moi je suis libre, pas toi.  J’ai une famille extraordinaire; toi tu l’as détruite ta famille. J’ai une question pour toi...

Quel genre de père, de frère, de fils, d’homme es-tu?

Aujourd’hui, je te remets mon fardeau, notre fardeau.

À partir de maintenant, tu resteras dans ta cellule et moi et ma famille nous déployons nos ailes, nous sommes libres de la peur, nous sommes libres de toi. »

*Les noms des parties impliquées ont été modifiés.

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