Une hausse marquée du salaire minimum au Québec ne causerait ni la fermeture d’un nombre important de PME, ni des pertes d’emplois massives, soutient l’Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS) dans une nouvelle étude publiée jeudi.
Bref, ça n’aurait pas l’effet d’une «bombe atomique» sur l’économie québécoise, comme l’a déclaré la semaine dernière l’économiste Pierre Fortin, de l’UQAM. Selon lui, une hausse immédiate du salaire minimum à 15 $ l'heure pourrait entraîner la perte de 100 000 emplois au Québec. Le salaire minimum au Québec équivaut à 47 % du salaire moyen horaire, dit-il. Or, les villes américaines, souvent citées en exemple, qui ont choisi de porter leur salaire minimum à 15 $ dans les prochaines années vont essentiellement atteindre le niveau du Québec.
Ce n’est pas l’avis de l’économiste Mathieu Dufour, de l’IRIS, qui souligne que le Québec peut se permettre une hausse importante du salaire minimum, du fait que la capacité de rémunérer davantage les travailleurs a augmenté au cours des dernières années.
M. Dufour fait valoir que si le taux du salaire avait été porté à 15$ l’heure l’an dernier, la hausse aurait représenté une augmentation de 41% par rapport au niveau de 1979, soit un taux de croissance annuel moyenne de moins de 1%. En même temps, la valeur du produit intérieur brut réel par personne au Québec a augmenté de 48% entre 1981 et 2014, pour une croissance annuelle moyenne de 1,2%. D’où la marge pour faire progresser le salaire minimum.
De plus, l’IRIS n’a noté aucune corrélation entre les hausses du salaire minimum et les fermetures d’entreprises. L’augmentation de 1,50$ l’heure entre 2008 et 2010 n’a pas été associée à un taux inhabituel de fermetures de PME, a-t-on observé.
«Au contraire, moins de petites et moyennes entreprises qu'à la normale ont fermé pendant cette période, ce qui nous laisse croire que le taux de fermetures ne serait pas affecté par une hausse marquée du salaire», estime Raphaël Langevin, chercheur-associé de l'IRIS et co-auteur de l'étude.
Sur le plan des pertes d’emplois appréhendées, l’IRIS estime que plus de 98% des salariés touchés bénéficieraient de la mesure et ne subiraient aucune conséquence négative.
Néanmoins, entre 6000 et 20 000 emplois seraient tout de même à risque à court terme. L’IRIS ajoute toutefois qu’au final, «il est fort probable que l'effet net sur l'emploi soit nul, voire même positif à plus long terme».
Néanmoins, pour éliminer les effets négatifs à court terme, l’organisation suggère la mise en place de politiques ciblées pour les travailleurs à risque.
Enfin, l’IRIS écarte tout impact sur l’inflation.
«Établir le salaire minimum à 15$ de l'heure pourrait entraîner une augmentation des prix qui oscillerait entre 1,1% et 2,6% au-dessus du niveau actuel de l'inflation. L'étalement de la hausse permettrait cependant de diminuer considérablement cette conséquence, déjà minime», soutient M. Dufour.
«Ces données démontrent qu'il est faux d'affirmer que la hausse de l'inflation "annulerait" les bénéfices d'une augmentation de 40 % du salaire minimum».
L'économiste Pierre Fortin n'a pas souhaité en rajouter sur ses commentaires de la semaine dernière, sauf pour faire remarquer que la France a appliqué la recommandation des chercheurs de l'IRIS et a établi son salaire minimum à 61% du salaire moyen.
«Résultat, le taux de chômage des jeunes Français âgés de 15 à 24 ans est de 25%, alors qu'il n'est que de 12% chez nous.»