Le recours à une mère porteuse représente l'ultime espoir de devenir parents. Au Québec, la gestation pour autrui est interdite et les contrats illégaux.
De plus en plus de couples se tournent vers les réseaux sociaux pour trouver la perle rare et misent sur une insémination maison pour diminuer les coûts et les procédures.
«J.E.» s'est infiltré dans des groupes fermés sur les réseaux sociaux où des centaines de couples sont à la recherche d'un ventre à louer ou à prêter. Lorsqu’enfin une femme affiche vouloir devenir mère porteuse, c'est littéralement la vente aux enchères.
Dans ce contexte, des opportunistes contournent la loi et profitent de la vulnérabilité de futurs parents prêts à tout pour voir leur plus grand rêve se réaliser.
L'équipe de «J.E.» est entrée en communication avec une ONG basée en France. Après avoir fourni la liste avec photos des mères porteuses, le coordonnateur explique qu'il faut d'abord débourser la moitié des 23 000$US demandés avant d'organiser une rencontre vidéo.
Un autre site, Surrogate Finder, prétend faciliter la rencontre entre des parents d'intention et une mère porteuse. Pour se faire, il faut être membre et débourser 150$.
Une fois l'inscription terminée, il suffit de sélectionner le pays et la nationalité désirée avant que s'affichent de nombreux profils.
Mais personne d'Amy: 28 ans, Michelle blonde aux yeux bleus ou Véronique de Contrecoeur n'ont répondu aux nombreux courriels.
Zone grise
C'est aussi grâce à Internet que «J.E.» a rencontré un consultant qui affirme agir en toute bonne foi en partageant ses expériences personnelles.
Lors d'un entretien dans un café, l'homme pense avoir affaire à une femme infertile qu'il recommande vers une agence de l'Ontario qui offre les services de mères porteuses. Le budget à prévoir est de l'ordre de 60 000$ à 80 000$.
Il explique, devant une caméra cachée, que les factures sont volontairement gonflées pour permettre la rétribution de la mère porteuse: «Ils "boostent" tout pour justifier (ses dépenses), mais c'est quand même de l'argent qu'elle se met dans les poches et au moins ça reste légal».
Le conseiller admet que la clinique a déjà fait l'objet de vérifications par la GRC, mais prétend que tout était «conforme». Vérifications faites, la clinique n'est pas si blanche que ça.
La propriétaire et sa clinique ont plaidé coupables en 2013 à 27 chefs d'accusations criminelles en lien avec la loi sur la procréation assistée. On l'accusait notamment d'avoir servi d'intermédiaire et rémunéré une mère porteuse. Elle a payé une amende de 60 000$.
Confronté à ce sujet devant la caméra, le présumé consultant se défend en évoquant qu'il ne travaille pas pour l'agence et qu'il nous a informés que la clinique avait été «clairé» de tous soupçons.
«Il y a une portion rémunération là», affirme Alain Roy, professeur titulaire à la Faculté de droit à l'Université de Montréal. Il explique que «quiconque contrevient à l'un ou l'autre des articles 5 à 7 et 9 de la Loi fédérale sur la procréation assistée est passible d'une amende maximale de 500 000$ et d'un emprisonnement de dix ans».
Au-delà des scénarios d'horreurs....des familles comblées
C'est aussi grâce à Internet que Louis-Charles et Chantale ont trouvé leur porteuse. Noam est né au moins de mars dernier après une insémination maison: on a finalement trouvé la personne qui le faisait pour les bonnes raisons, explique le père de Noam. Il ajoute: «Je pense que si c'était balisé il y a plus de femmes qui le feraient».
Sonia Desroches est une de ces femmes qui ont accepté de porter gratuitement un enfant pour autrui. Elle raconte qu'elle trouvait trop injuste que des femmes ne puissent pas donner la vie.
Elle-même mère de trois enfants elle affirme «avoir prêté son ventre» alors qu'elle habitait au Nouveau-Brunswick, mais jamais dit-elle elle ne l'aurait fait au Québec: «Je ne l'aurais pas fait parce que personne n'est protégé».
Elle est consciente que bien des femmes se lancent dans un tel processus pour de mauvaises raisons: «La première question qu'on me demande c'est toujours combien ça paye».
Si des mères porteuses demandent beaucoup d'argent, certains couples sont aussi intransigeants. La jeune mère de famille a eu des demandes de toutes sortes telles qu'aller à l'église tous les dimanches, tenir un journal alimentaire et on lui a même interdit de lever ses propres enfants.
Encadrer ou pas la gestation pour autrui
Céline Braun de l'Association des couples infertiles du Québec pense qu'il faut mettre des balises «pour éviter qu'on fasse de l'argent sur le dos des infertiles».
Le mouvement Pour les droits des femmes du Québec estime plutôt qu'il faut s'y opposer: «On vient par le biais des mères porteuses menacer tout un système après pourquoi si on peut acheter un enfant et le commander on ne pourrait pas acheter un organe? Quelqu'un qui a besoin d'un rein c'est aussi légitime que quelqu'un qui désire un enfant. C'est sa survie. Où on va arrêter?» se questionne la présidente Michèle Sirois.
Au Québec, le contrat de mère porteuse avec ou sans rémunération n'a aucune valeur légale, peu importe la provenance des ovules. L'article 541 du Code civil du Québec rend nul de nullité absolue toute entente ou contrat avec une mère porteuse. Ailleurs comme en Ontario et en Alberta la loi prévoit que la filiation entre l'enfant et ses parents d'intention peut être établie dès la naissance alors qu'en Colombie-Britannique, à certaines conditions, aucune intervention judiciaire n'est requise.
Le ministère de la Justice songe à moderniser le droit de la famille au Québec. Le dossier des mères porteuses fait partie de cette réflexion.