Du pot vendu à la Société des alcools du Québec (SAQ), une bonne ou une mauvaise idée? Les deux analystes de l’émission «La Joute», à LCN, ne sont pas chauds à l'idée, loin de là.
Le gouvernement fédéral doit déposer, au plus tôt le printemps prochain, son projet de loi très attendu sur la légalisation du cannabis.
Mais il reviendra aux provinces de déterminer les modalités d’application, notamment de quelle façon sera effectuée la distribution du produit.
Et, contrairement à ce que suggère un chercheur de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), Luc Lavoie pense que Québec ferait fausse route en désignant la SAQ comme point de vente de la marijuana.
«N’importe quoi pour ne pas aller à la SAQ. Je suis anti-SAQ et je ne comprends pas pourquoi nos gouvernements restent là-dedans, à part ne pas vouloir de bataille avec les syndicats, soutient-il, ajoutant que la société d’État n’a pas l’expertise en cette matière et qu’elle devrait plutôt être privatisée.
L’avis de son collègue Bernard Drainville est un peu moins tranché. «Moi, je suis très pro-SAQ, même s’il faut en resserrer les boulons et améliorer sa gestion. Par contre, je suis assez d’accord avec Luc que ce n’est pas une bonne idée qu’on ait une société d’État qui vende à la fois de l’alcool et du pot. Ce n’est pas du tout la même business», constate-t-il.
Question de santé publique
À la place, Québec devrait étudier la possibilité de confier cette mission au réseau des pharmacies. «Parmi les gens allumés qui nous écoutent, certains diront qu’on vient de sortir le tabac et les cigarettes des pharmacies, on ne va pas ramener le pot. Mais dans la légalisation du pot, le bout qui manque et qu’il faut davantage renforcer, c’est toute la question de la santé publique», souligne Bernard Drainville.
Ce dernier avoue en avoir déjà fumé : «Je ne suis pas gêné de cela, je l’ai même inhalé et c’était bien correct», dit-il. Toutefois, le produit disponible aujourd’hui n’est plus du tout le même qu’à l’époque où l’ancien ministre péquiste en faisait usage. «Le THC, l’ingrédient actif, était autour de 3%, alors qu’aujourd’hui, on est rendu à 15%, c’est cinq fois plus puissant.»
Bernard Drainville dit s’inquiéter de l’absence de précisions sur les facultés affaiblies au volant, dans le rapport dévoilé hier pour conseiller le gouvernement Trudeau. «S’il y a un 0,8 pour l’alcool, il faut qu’il y ait un 0,8 pour le THC!»
Alors qu’il est souvent plus facile à ses yeux d’acheter du pot que de l’alcool et que la tolérance des policiers est plus grande que jamais à l’égard de cette substance, Luc Lavoie estime que les gouvernements choisissent la voie de la légalisation dans le but premier de se doter d’une source de revenus supplémentaire.
«La question, c’est combien d’argent en taxes [le gouvernement] va faire là-dessus. Alors le fédéral se tourne vers les provinces et leur dit : servez-vous, c’est vous qui allez faire le commerce. Car il appartiendra à chaque province de se «brancher» sur cette question et d’établir des balises en fonction de sa propre culture et de sa propre histoire, soutient Luc Lavoie, qui serait très surpris de voir la loi entrer en vigueur avant l’été 2018.
Philosophe, Bernard Drainville renchérit: «Les quatre plants de pot auxquels on aura droit auront le temps de pousser...»
Voyez dans la vidéo ci-dessus un extrait de l’émission «La Joute».