Dix ans après son entrée en vigueur, le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) a eu des effets positifs sur l’économie québécoise, et même inattendus.
Le constat le plus inattendu et spectaculaire est le fait que les femmes qui ont bénéficié de ce régime ont enregistré, lors de leur retour au travail, une croissance de leurs revenus de travail supérieurs de 3 % à celle des femmes qui ont bénéficié du régime d'assurance-emploi, beaucoup moins généreux.
«Ça nous a beaucoup surpris, on ne s’attendait pas à ça », dit Guy Lacroix, directeur du département d’économique à l’Université Laval. Il faisait partie de la dizaine de chercheurs universitaires du Québec et du reste du Canada qui ont étudié les incidences économiques et sociales du RQAP, commandé par le Conseil de gestion de l'assurance parentale.
Les femmes rattrapent rapidement leur retard
Les chercheurs ont eu accès aux fichiers d’impôt de la cohorte de nouvelles mamans de 2005, soit avant l’instauration du RQAP, et celle de 2006, année de son implantation, et ils ont a analysé leurs revenus de travail sur cinq ans.
«L’année de naissance même de l’enfant, en 2006, il y a une baisse de revenus plus grande pour les mères du nouveau régime, dit Guy Lacroix. Le congé devenant plus long, les revenus sont plus faibles. Mais dans chacune des années subséquentes, le taux de croissance de leurs revenus est plus élevé. Le fait d’avoir pris un congé plus long, ça ne les pénalise pas, au contraire. »
Les pères travaillent-ils moins ?
À l’inverse, les pères qui ont bénéficié du RQAP ont connu des croissances de revenus plus faibles dans les cinq années subséquentes que ceux qui n’ont pas bénéficié de ce régime. «C’est comme s’ils travaillaient moins, et passaient plus de temps avec la famille », analyse Guy Lacroix.
La participation des pères québécois a progressé de façon impressionnante, passant de 28 % sous le régime d'assurance-emploi en 2005, à 83 % sous le RQAP en 2015.
Cette participation a contribué à modifier la conception de leur rôle parental, dit Guy Lacroix. Selon le chercheur, le congé parental fait désormais partie des normes sociales. «Les employeurs l’acceptent. »
Les plus pauvres et les plus riches écopent
Les Québécoises sont par ailleurs beaucoup plus nombreuses à bénéficier de prestations de maternité que les femmes des autres provinces canadiennes, l'écart se chiffrant à 25 points de pourcentage. «Le taux de participation au RQAP et la très forte utilisation de la totalité des prestations confirment sans équivoque qu'il s'agit d'un régime très apprécié des parents québécois», dit Brigitte Thériault, présidente-directrice générale du Conseil de gestion de l'assurance parentale.
Cela dit, note Guy Lacroix, la durée du congé varie beaucoup en fonction des revenus : les femmes les plus pauvres et les plus riches l’écourtent. «Pour celles qui ont un faible revenu, perdre 30%, c’est énorme. Et c’est la même chose pour les femmes qui font de gros salaires. Les longs congés sont surtout pris par les femmes de la classe moyenne, ce sont elles qui en bénéficient. »
Peu d’impact sur la natalité
L’étude de Guy Lacroix conclue à un effet sur la natalité «statistiquement significatif, mais de faible ampleur » : soit 0,3 point de pourcentage en moyenne (ce qui se traduit par 370 naissances par année). C’est pour la naissance d’un deuxième enfant et pour celles subséquentes que l’effet du RQAP est plus élevé, atteignant 3,7 % en 2012.
Quant au taux d’emploi des femmes âgées de 25 à 44 ans, il était de 84,8 % au Québec en 2015, contre 81,6 % ailleurs au Canada. Chez celles ayant un enfant âgé de moins de 3 ans, le taux d’emploi des femmes québécoises était de 78,6 %, comparativement à 70 % ailleurs au Canada.