Troublé par les révélations du reportage de l’émission «J.E.» de TVA sur les pratiques douteuses des affaires internes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le maire Denis Coderre croit qu'il faut faire le ménage si l'enquête menée par la Sûreté du Québec le juge nécessaire.
«On parle de quelque chose qui arrive depuis plusieurs années. S'il faut faire le ménage, qu'on le fasse», a lancé le maire lors de la séance du comité exécutif mercredi matin.
En réaction à ce reportage diffusé mardi soir, le directeur du SPVM, Philippe Pichet, a demandé à la Sûreté du Québec d'enquêter sur certaines pratiques des affaires internes de la police de Montréal.
Le BEI pas nécessaire?
Le «premier réflexe» du maire Coderre a été de se tourner vers le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), mardi soir, après la diffusion du reportage de Félix Séguin sur les irrégularités dans les enquêtes policières menées à l'interne sur d'autres policiers du SPVM. Toutefois, puisque le mandat du BEI n'est pas de se pencher sur les affaires internes des policiers, mais plutôt sur les bavures policières envers des citoyens, le chef de police Philippe Pichet a demandé à la SQ de mener une enquête sur ces allégations.
«Il y a une évolution dans le mouvement d'un bureau d'enquêtes indépendantes. Éventuellement, on devrait arriver à ça, croit le maire Coderre. Mais entretemps, quand il y a des choses qui touchent les affaires internes ou un service de police, il y a un modus operandi et ce processus-là, c'est d'aller du côté de la SQ et de travailler avec le ministère de la Sécurité publique.»
Soulignant que «le politique n'a pas à s'immiscer là-dedans», le maire félicite toutefois le directeur Pichet d'avoir réagi immédiatement en demandant à la SQ de mener une enquête. Pour M. Coderre, «cette enquête va nous permettre de conserver cette confiance» envers les institutions policières.
Troublant et sérieux
«J'en profite pour féliciter Félix Séguin pour son excellent reportage. Les faits sont troublants et très sérieux», a indiqué le maire Coderre.
Le reportage dévoilait, notamment, d'importantes irrégularités dans les enquêtes policières menées à l'interne sur d'autres policiers. Trois anciens policiers, licenciés dans les dernières années, ont affirmé que les affaires internes fabriquaient de fausses preuves contre d'autres policiers.
«C'est assez troublant. Il y a eu des rencontres dans des hôtels [entre hauts dirigeants du SPVM] et tout ça. J'espère qu'on va faire toute la lumière là-dessus», a déclaré le maire.
On apprend aussi dans le reportage qu'il y a eu des fouilles intrusives dans la vie privée des policiers et de la manipulation des faits dans les affidavits, que des enquêtes internes ont été lancées par vengeance et qu'une chasse aux sorcières a été lancée pour trouver les sources journalistiques.
Projet Montréal demande une réunion d’urgence
Se disant aussi inquiet par ces allégations, Projet Montréal estime qu’il faut aller plus loin qu’une enquête de la SQ.
Ce parti demande une réunion d’urgence de la Commission de la sécurité publique (CSP) pour entendre le directeur du SPVM Philippe Pichet ainsi que les membres de la haute direction identifiés dans cette affaire.
«Les personnes visées par ces allégations doivent venir s’expliquer en commission. Au cours des derniers mois, le service de police de M. Pichet aurait aussi été impliqué dans des affaires d’espionnage de journalistes, ce qui a entraîné la création d’une commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques. Les membres de la CSP, qui ont le mandat, au nom des citoyens de Montréal, de superviser les affaires policières, doivent avoir l’occasion de poser toutes les questions qui s’imposent», a affirmé le conseiller Alex Norris de Projet Montréal, qui est aussi vice-président de la Commission de la sécurité publique.
Il demande aussi que ces éventuelles audiences soient rendues publiques pour favoriser la confiance du public, ébranlée par de nombreux scandales au SPVM.
«Un climat d'omerta»
De son côté, la chef de Vrai changement pour Montréal croit que le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) doit se pencher sur les problèmes aux affaires internes du SPVM, car la neutralité de cette instance pourra rassurer le public.
«On dirait qu'il y a un climat d'omerta qui s'installe chez la police. Les gens ont peur de parler, de se faire accuser. C'est important qu'il y ait une enquête neutre qui pourra rassurer le public», croit Justine McIntyre.
Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont demandé eux aussi, mercredi, que le BEI, plutôt que la Sûreté du Québec, se penche sur ces pratiques douteuses au SPVM.
«Il y a toujours cette méfiance [du public] par rapport au désir des policiers de se protéger entre eux, estime Mme McIntyre. Ce qu'on entend, c'est grave, au niveau de la fabrication des preuves.»
Le conseiller de Projet Montréal Alex Norris ne croit toutefois pas que c'est nécessaire que le BEI se penche sur cette affaire.
«C'est une nouvelle entité qui va développer une spécialisation dans les enquêtes sur les personnes ayant été blessées ou blessées par les policiers, indique-t-il. Je ne suis pas certain que c'est la meilleure entité pour faire une enquête sur l'intégrité des affaires internes. C'est un autre sujet.»
M. Norris souhaite toutefois que la Commission d'enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques se penche sur les allégations de Roger Larivière, présentées dans le reportage de M. Séguin, puisque son congédiement «aurait été provoqué par un contact entre un policier et un journaliste.»