La ligne est mince entre complicité et promiscuité dans les relations entre les athlètes de pointe et leurs entraîneurs, explique un psychologue sportif, en marge du procès de l’entraîneur de ski Bertrand Charest, qui fait face à 57 chefs d'accusation impliquant 12 victimes mineures pour des crimes de nature sexuelle.
Selon le spécialiste Sylvain Guimond, ces situations peuvent survenir autant chez les jeunes garçons que les filles.
«Ils sont habitués dès le départ à écouter l’entraîneur, a expliqué l’expert, en entrevue au «9 Heures» sur LCN. Tout ce qu’il dit est la pure vérité. Ces jeunes-là ont un point en commun : ils veulent tous réussir et ils sont rendus assez près de ça. Ils savent que cette personne-là peut les aider à se rendre là et se disent que ‘’c’est le chemin à emprunter’’.»
Beaucoup de culpabilité
Il reste à prouver la culpabilité de Bertrand Charest dans ce dossier. Toutefois, jusqu’à présent, les victimes alléguées ont indiqué qu’elles n’avaient pas été contraintes par la force et qu’elles avaient vécu beaucoup de culpabilité.
«Il n’a pas eu besoin de les forcer. Il les avait tellement bien manipulées qu’à la toute fin, c’est comme si c’était eux qui désiraient ça, ce qui était totalement faux», analyse le spécialiste.
Avec l’effort qu’ils doivent fournir pour performer, les jeunes deviennent fatigués, et il est donc plus difficile pour eux de mettre une ligne sur ce qui se fait ou non, soulève M. Guimond. En plus, l'entraîneur peut facilement «mettre beaucoup de blâme sur eux».
«On joue avec la culpabilité de ces jeunes-là, fait-il remarquer. Les pédophiles se tiennent où il y a des jeunes victimes qui peuvent être facilement accessibles. Le monde du sport, c’est l’endroit idéal. Surtout si je suis, comme entraîneur, en position de force.»
Et la quête de performance peut facilement entraîner une perte de jugement. «Ils ont tellement leur but en tête, qu’ils pensent à ce moment-là que c’est acceptable», détaille-t-il. Elles finissent par croire que c’est un jeu. Ils ne sont pas fous. Ils donnent l’attention aux jeunes filles qui justement vont jouer à ce jeu-là avec eux ou qui vont s’y soumettre, mais sans nécessairement en être conscientes. Là, on leur fait vivre tellement de culpabilité, et c’est là qu’il fait que ça arrête.»
Un silence inacceptable
Dans le cas de Bertrand Charest, des membres de l’équipe d’entraînement ont dit qu’ils avaient des doutes comme quoi quelque chose se tramait.
«C’est inacceptable. Des adultes qui se doutent que quelque chose ne va pas avec un entraîneur doivent le dénoncer immédiatement, tranche M. Guimond. Si la personne n’a rien à se reprocher, ça va être la première à participer, à être encline à répondre à toutes les questions qu’on peut bien lui poser.»