Le grand patron de l’Unité permanente anticorruption, Robert Lafrenière, promet d’aller jusqu’au bout avec l'enquête Mâchurer, qui vise notamment l’ex-premier ministre Jean Charest et son ami Marc Bibeau.
Interrogé en commission parlementaire, alors que se déroule l’étude des crédits budgétaires du ministère de la Sécurité publique, M. Lafrenière a confirmé que les documents du projet Mâchurer qui se sont retrouvés entre les mains de notre Bureau d’enquête proviennent d’une enquête en cours de l’UPAC.
«Selon toute vraisemblance, oui», a déclaré le commissaire, qui s’est dit «outré» par cette fuite.
«En aucun temps, la conclusion de l’enquête n’a été menacée par cette fuite-là, a toutefois assuré M. Lafrenière. Si la personne qui a fait ça pensait nous déstabiliser, elle ne nous a que distraits, a dit le commissaire. Et soyez certains que je vais me rendre au bout de cette enquête-là, que je vais me rendre aux conclusions, à la terminaison et qu’on va déposer au DPCP j’en suis convaincu.»
Une fuite «inadmissible» déplore le commissaire
Le grand patron de l’UPAC craint que son organisation ait été victime de piratage et promet trouver «le bandit» à l’origine de ce coulage de documents.
«Est-ce qu’on s’est fait "hacker"? Est-ce que c’est quelqu’un qui a donné des informations», a soulevé M. Lafrenière, avant de faire valoir le geste qu'il a posé après la diffusion du reportage.
«On a réagi. On a fait ce qu’il fallait faire pour essayer de contrer ce qui se passait», a-t-il continué, en rappelant qu’une enquête administrative a depuis été lancée afin d’identifier l’origine de la transmission des documents sensibles.
«Une fuite comme ça, c’est inadmissible, a dit le commissaire contre la corruption.
Deux anciens policiers, un retraité de la Sûreté du Québec et un autre du Service de la police de la Ville de Montréal, ont été assignés à cette chasse aux sources.
Le député caquiste André Spénard croit que cette enquête aurait dû être confiée à des autorités indépendantes.
«C’est encore la police qui enquête sur la police», a dénoncé le député de Beauce-Nord, qui craint que cette façon de faire ne suffise pas à rassurer la population.
Questionné par le porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique, Pascal Bérubé, le commissaire Lafrenière a par ailleurs confirmé qu’il n’avait eu aucun contact avec le cabinet du premier ministre depuis 2014.
Séparation des pouvoirs
D’entrée de jeu, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a indiqué que l’étude des crédits était «une occasion idéale pour rappeler l’importance de la séparation des pouvoirs».
Questionné par des députés libéraux, le commissaire Lafrenière, comme le directeur général de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, ont assuré qu’il n’existe aucune immunité pour les politiciens.
M. Lafrenière s’est dit conscient que la confiance envers les autorités policières et les institutions est mise à rude épreuve.
Il comprend que la population, devant la durée des enquêtes en cours, s’attend à ce que la police passe des menottes.
Le commissaire a raconté que des enquêtes s’étirent parfois en raison des requêtes que les avocats de certains suspects déposent devant les tribunaux.
Déblocage
C’est d’ailleurs ce qui s’est produit avec le projet Mâchurer. «Depuis 2013 qu’on négocie pour avoir un déblocage», a rapporté le grand patron de l’UPAC. Les efforts déployés par les procureurs à la défense jusqu’en Cour suprême ayant échoué, les enquêteurs ont tout récemment obtenu l’accès à une base de données qui devrait permettre de faire avancer l’enquête.
À ceux qui voudraient que les choses procèdent plus rapidement, le commissaire a prévenu qu’il n’est pas question de «tourner les coins ronds» en mettant de la pression sur les enquêteurs.
À l’heure actuelle, près de 200 dénonciations sont en attentes de vérifications à l’UPAC. M. Lafrenière a donc demandé, il y a environ mois, le budget nécessaire pour recruter «une douzaine de ressources». La demande repose encore sur le bureau du ministre Coiteux, qui ne l’a pas fait suivre au Conseil du trésor.
Changement de salle
Fait inusité : l’opposition officielle a réclamé, à la toute dernière minute, que l’étude des crédits budgétaires du ministère de la Sécurité publique soit relocalisée dans une autre salle que celle prévue (Louis-Hippolyte-La Fontaine), où il n’y avait pas assez de place pour accueillir tous les journalistes et fonctionnaires.
À la suggestion du leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, l’option du Salon bleu a été retenue pour y tenir les travaux.