Deux mois après le meurtre épouvantable de sa fille de 18 ans, Éric Boudreault survit tel un zombie.
«Ça va encore la tête séparée du corps, on agit comme des robots, raconte le père de famille endeuillé en entrevue à l’émission de Denis Lévesque. On n’est pas rapides, on a des moments de tristesse, de rage, de haine, on est fatigués toujours, puis on fait notre possible pour réussir à s’occuper des nos deux autres enfants aussi.»
Le 22 mars dernier, sa fille, Daphné Boudreault, a été assassinée dans son appartement de Mont-Saint-Hilaire. Le meurtrier présumé est son ex-conjoint, Anthony Pratte-Lops. L’histoire a ému tout le Québec.
Le jour de la tragédie, Éric Boudreault a parlé au téléphone avec sa fille, qui subissait l’intimidation incessante de son ex-copain. Ce dernier venait d’ailleurs ce matin-là de lui voler son cellulaire. Pratte-Lops a prétendu qu’il laisserait le téléphone de Daphné sur la table de la cuisine avant de partir pour Québec.
Ressentant un étrange pressentiment, M. Boudreault a demandé à sa conjointe, qui se trouvait à proximité, d’accompagner Daphné à son appartement. Alors qu’il était au volant de son véhicule, lui - en mode mains libres - et sa conjointe se parlaient au téléphone lorsque celle-ci est entrée chez Daphné.
«Claudine (sa conjointe) me parlait et, à un moment donné, il y a un policier ou un ambulancier qui est venu discuter avec elle. Elle m’a dit d’attendre un peu. Le téléphone est resté ouvert et j’ai entendu la conversation. Elle a dit: "pourquoi vous ressortez la civière, puis il n’y a personne dessus. Je veux être là pour elle, je veux lui tenir la main". Et là, je l’ai entendu crier: "elle est morte", et elle criait.»
Dans «sa bulle» et en état de choc, il s’est stationné en bordure de route pour appeler un de ses confrères de travail, qui est venu le chercher.
«On ne peut pas s’en douter des choses comme ça. La pire affaire que j’aurai pu imaginer, c’est qu’il (l’ex-conjoint de Daphné) soit là et qu’il lui fasse du chantage émotif, mais pas d’aller jusque-là», confie-t-il à Denis Lévesque, en compagnie de son avocat, Me Marc Bellemare, en studio à Québec.
Pas d'aide de l'IVAC
Deux mois plus tard, le père de famille recommence à peine à conduire. Péniblement. Car en se remettant derrière son volant, «ça me faisait le même effet que lorsque j’ai appris la nouvelle au téléphone», relate-t-il. «Je venais tout engourdi et on dirait que j’allais m’évanouir.»
Les proches de Daphné dénoncent une décision de l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), qui lui refuse toute aide.
Seule bonne nouvelle, l’IVAC vient de reconnaître Daphné comme victime et l’organisme a accepté de payer une partie de ses funérailles. La famille a aussi droit à 30 séances de psychothérapie. Mais elle doit se battre pour faire reconnaître son statut et obtenir un quelconque remplacement de revenus.
«Je ne pense pas qu’il y a personne qui a le goût de rester chez soi à penser aux événements, dit-il. J’ai hâte de retourner travailler, j’ai hâte d’être en forme, j’ai travaillé toute ma vie, mais là, je ne suis pas capable. Ça fait drôle que ça sorte de ma bouche, mais j’ai besoin de temps, j’ai besoin d’aide.»
Voyez l’entrevue intégrale à Denis Lévesque dans la vidéo ci-dessus