Selon toute vraisemblance, la grève générale des travailleurs de la construction prendra fin le 31 mai alors que la loi spéciale du gouvernement Couillard doit être adoptée dans la nuit de lundi à mardi. Elle risque toutefois d'être contestée devant les tribunaux.
La pièce législative prévoit une hausse salariale de 1,8% pour les salariés – moins que ce que les patrons offraient – jusqu’à ce qu’une nouvelle entente soit négociée. Une période de médiation s’étirera jusqu’à octobre 2017. Si le conflit perdure jusque-là, un arbitre déterminera les conditions des ouvriers en fonction de critères choisis par la ministre du Travail Dominique Vien.
«L’arbitrage, vous le savez comme moi, ça comporte une dose d’incertitude et de nébulosité. Les partis devraient s’asseoir et prendre cette période de négociation très au sérieux», a affirmé Mme Vien.
La loi «pro patronat» sera contestée
Rapidement, l’alliance syndicale a fait savoir qu’elle contesterait cette loi «qui brise son levier ultime de négociation». Elle s’appuie sur l’arrêt Saskatchewan, où le plus haut tribunal du pays a déterminé que le droit de grève est essentiel au processus de négociation collective. «Dès qu’on a annoncé qu’on ferait la grève, Philippe Couillard a dit qu’il y aurait une loi spéciale. Les patrons l’ont entendu et avaient un grand sourire», a dénoncé le porte-parole de l’Alliance Michel Trépanier. Le Parti québécois juge aussi que cette loi est illégale.
M. Trépanier affirme également qu’à 18 mois des élections, les travailleurs se souviendront de cette loi qui s’ingère dans la mécanique d’arbitrage de façon «inacceptable» et, à son avis, au profit des patrons.
De leur côté, les groupes patronaux sont divisés : l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec «accueille favorablement la loi» et estime que l’augmentation de 1,8% est «raisonnable». L’Association pour entrepreneurs en construction (ACQ), qui représente 17 000 entreprises privées, dénonce pour sa part un «processus complexe qui vient limiter notre possibilité de négocier librement».
Aucun changement en profondeur
La loi du gouvernement Couillard stoppe une grève qui coûte très cher, mais ne va toutefois pas changer en profondeur le processus de négociation qui a mené à ce blocage. Ce n’est pas la première fois: le gouvernement Marois avait aussi dû recourir à ce stratagème en 2013.
Le premier ministre l’a pourtant qualifié de «vicié» en période de questions. Mme Vien en matinée a même été plus loin dans sa volonté de «casser» ce cercle vicieux des lois spéciales à répétition pour mettre fin aux grèves dans l’industrie privée de la construction.
Après le dépôt de la loi, elle s’est ravisée et a remis ce travail à plus tard : «Il faut que le conflit cesse, il faut que les gens retournent au travail, et, par la suite, on prendra le temps de regarder la situation bien comme il faut».
C’est la deuxième loi spéciale déposée cette année pour régler un conflit de travail. En février, les juristes de l’État ont goûté à la recette.