Alors que les projets poussent lentement dans la zone qui a été dévastée par le train meurtrier il y a quatre ans, la reconstruction du centre-ville de Lac-Mégantic est qualifiée de «deuxième drame» par plusieurs.
Les touristes sont de retour à Lac-Mégantic, et ce, en même temps que l’été. Cependant, pour quelques Méganticois, l’avenir est loin d’être rose.
Depuis la destruction des 39 bâtiments du centre-ville qui avaient résisté à l’explosion du train pétrolier, «la flamme» des entrepreneurs a été éteinte, mentionne Raymond Lafontaine, en entrevue au «Journal de Québec». La nuit de la tragédie, l’homme d’affaires a perdu quatre membres de sa famille, dont un fils.
Avenir incertain
La page se tourne tranquillement et le deuil progresse, dit-il. «On a été éprouvés. Mais le problème est que ce sont les gens qui n’ont rien perdu qui ont profité de la tragédie et qui ont tout reçu. Tous les gens qui sont venus ici, c’était pour venir chercher de l’argent. Les gens qui sont venus de l’extérieur, ils sont venus remplir leurs poches. Nous, on a perdu nos enfants», soutient-il.
L’avenir de Lac-Mégantic l’inquiète et il estime que la reconstruction n’est pas pensée afin que la population de Lac-Mégantic puisse s’épanouir.
«Qui va s’installer là ? On leur avait pourtant dit. Ils ont tué la flamme des gens qui voulaient s’investir. C’est un deuxième drame», explique l’homme, soutenant que les logements qui se construisent resteront vides.
«On essaie de nous faire croire à une reconstruction. Le problème à Mégantic, c’est qu’on n’a pas de monde. On n’a pas d’usines par exemple, pas d’industries», dit-il, précisant que les dirigeants de la Ville font néanmoins leur possible.
Depuis, des commerçants se sont déjà reconstruits dans un nouveau secteur de la ville, alors que certains qui n’ont pu réintégrer leur bâtiment ont quitté la région. Il ajoute que les promoteurs provenant de l’extérieur ne veulent pas prendre de risques, sachant qu’il sera difficile de rentabiliser leurs investissements.
«On s’est fait niaiser»
«On nous berne. Il faudrait qu’on nous dise la vérité. L’exercice “Réinventer la ville” a été de la foutaise. On s’est fait niaiser par les promoteurs qui étaient derrière ça. Les gens ne voulaient pas qu’on détruise ce qui restait du centre-ville», croit Gilles Fluet, qui a réussi à éviter le train de quelques pieds, alors qu’il quittait le Musi Café lors du déraillement. «J’aurais pu être soufflé par l’explosion.»
Ses amis ont brûlé devant ses yeux. Après des années de thérapie, il va mieux. Mais il évite toujours le centre-ville, surtout que le train y est toujours actif. «Le jour où il y aura une voie de contournement, je vais peut-être commencer à y croire à la reconstruction», affirme M. Fluet.
Le projet d’hôtel qui devait relancer la vie touristique du centre-ville bat de l’aile, alors que le promoteur principal s’est retiré du projet, a appris «Le Journal de Québec».
Dès que le bureau de reconstruction a été mis sur pied à Lac-Mégantic, les responsables ont promis qu’un hôtel jumelé à un centre d’affaires verrait le jour rapidement.
Or, le projet bat de l’aile et est incertain à court terme. L’entreprise C Hôtels, qui travaillait à l’élaboration et qui avait réservé un terrain en compagnie d’un promoteur local, a décidé de se retirer, critiquant la vision des investisseurs et du bureau de reconstruction.
«Trop gros pour la place»
«Le projet était rendu trop gros pour la place», a dit le propriétaire de C Hôtels, Jean Grégoire, afin d’expliquer sa décision.
L’homme voulait construire un hôtel où il y aurait également eu des condos. «C’était rendu du commercial. Tout le monde s’en mêlait», explique l’homme d’affaires qui a travaillé à ce projet durant plus d’un an et demi.
Le but pour le promoteur en investissant était de pouvoir revendre des condos afin de rentabiliser son projet. Cependant, M. Grégoire s’est vite aperçu que le risque était trop grand. «Je n’avais plus d’assurance de pouvoir vendre les condos», relate l’homme.
Plus petit
Le bureau de reconstruction de Lac-Mégantic assure de son côté qu’un projet d’hôtel est toujours en processus d’élaboration. Toutefois, après analyse, le projet sera sans doute réduit de moitié.
«C’est notre devoir. On a un marché pour ça. On peut très bien supporter du complexe hôtelier», a indiqué Marie-Claude Arguin, directrice générale de la municipalité.
Le bureau de projet dit procéder en ce moment à une analyse du marché.
Un promoteur local serait toujours actif dans le dossier, a confirmé la dame, qui refuse de le nommer, prétextant la confidentialité.Objectif municipal - «La plus grande ville des petites villes»
Satisfaits de l’évolution de la reconstruction, les gens à la tête du bureau de projet pour la zone sinistrée voient grand et comparent même leur vision à celle de grandes villes comme Lisbonne au Portugal.
Des bâtiments ont finalement fait leur apparition dans la zone qui avait été déclarée sinistrée à la suite de la tragédie de Lac-Mégantic.
Un marché public, un projet communautaire avec une garderie, un promoteur privé qui construit des bureaux gouvernementaux, une zone jeunesse, un ensemble résidentiel privé et d’autres constructions d’habitations abordables menées par des organismes à but non lucratif (OBNL) seront construits prochainement.
Confiante
La Ville est confiante pour l’avenir de son centre-ville et estime avoir été à l’écoute de ses citoyens.
«Ça va bien. Qui aurait cru qu’environ 70 % des terrains seraient réservés 4 ans plus tard», a affirmé Sonia Dumont, la responsable des communications du bureau rencontrée en compagnie de la directrice générale de la municipalité au bureau de reconstruction situé à la gare de train. Endroit qui, contrairement aux autres édifices situés dans la zone sinistrée, n’a pas été démoli, tout comme l’hôtel de ville.
Peu de promoteurs
Pour l’instant, peu de promoteurs privés semblent s’être investis dans des projets, laissant place à des OBNL et des projets communautaires.
«L’important ce sont les projets», assure Mme Dumont, indiquant que la Ville veut créer un espace public bouillonnant de vie comme à Lisbonne au Portugal. Elle aimerait que Lac-Mégantic soit «la plus grande ville des petites villes».
La directrice générale de la municipalité, Marie-Claude Arguin, a ajouté que la municipalité «peut se permettre d’avoir le même type de projets que les grandes villes», mais à petite échelle.
Aucun regret
Par ailleurs, malgré les critiques et les demandes, Mme Arguin ne regrette «aucunement» d’avoir démoli les bâtiments toujours existants. Elle parle toutefois d’une décision difficile.
Mme Arguin n’a pas été en mesure d’indiquer au Journal combien il restait d’argent du budget de 2,2 millions $ offert par les deux paliers de gouvernement pour le bureau de reconstruction, ainsi que l’argent injecté pour les consultants. «Le budget suit son cours», a-t-elle mentionné.