Il y a eu plus de mouvements de sols au Québec d’avril à juin que dans toute l’année précédente, un nombre record, depuis le déluge du Saguenay, qui préoccupe les spécialistes.
Le ministère de la Sécurité publique (MSP) et le ministère des Transports (MTQ) sont débordés en raison des nombreux glissements de terrain causés par les précipitations record du printemps.
En 2013, «Le Journal de Québec» dévoilait qu’environ 80 % du territoire habité du Québec était à risque de connaître des glissements de terrain en raison des argiles sensibles qui façonnent les territoires habités de la province.
«Il ne faut pas être effrayés, mais nous devons être prudents», mentionne au «Journal» le professeur en ingénierie civile Serge Leroueil, spécialiste en mécanique des sols et argiles.
Depuis le début de l’année 2017, ces glissements sont abondants, si bien que le nombre de cas a déjà doublé comparativement aux années précédentes, et ce, en seulement trois mois.
«Entre le 1er avril et le 1er juin 2017, ce sont 217 demandes d’avis technique qui ont été traitées par les experts en géotechnique du MTQ pour des cas de mouvements de sols. Il est important de noter que cette donnée est sujette à changement, notamment, parce que l’année n’est pas terminée», a mentionné le porte-parole du MSP, Olivier Cantin.
Une personne a d’ailleurs été blessée lors d’un glissement de sol, rapporte le MSP. Aucun mort n’a été répertorié. Toutefois, le danger est bel et bien présent, et des drames sont déjà survenus au Québec. Le 10 mai 2010, à Saint-Jude, une famille complète avait été décimée lorsqu’une masse boueuse avait envahi leur sous-sol.
Record de précipitations
Les grandes précipitations reçues seraient la principale cause de la multiplication des glissements de terrain.
«Ce qui est remarquable, ce printemps, c’est qu’il y ait eu de forts dépassements de ces moyennes dans un très grand nombre de régions», affirme la Sécurité publique.
Les 15 stations météorologiques du Québec démontrent que les précipitations ont été bien au-dessus des moyennes observées de 1981 à 2010.
Les quantités d’eau reçues ont été encore plus monstrueuses dans les régions de l’ouest et du centre de la province, où les moyennes sont deux fois et demie plus élevées qu’à l’habitude.
Inquiétudes pour la santé
Les experts en santé publique s’inquiètent eux aussi, surtout en raison des répercussions sur la santé de la population. «On suit ça parce que les gens perdent leur maison. Les villages et les hôpitaux sont isolés, par exemple, lorsqu’une route s’effondre.
«Alors, c’est clair qu’il s’agit d’un risque supplémentaire, surtout lorsqu’il n’y a pas de route de contournement. Là, on pense à toute la Côte-Nord et la Gaspésie», a précisé l’expert Pierre Gosselin de l’Institut de santé publique du Québec.
Nos maisons bâties sur des sols sensibles
D’énormes glissements de terrain arrachant d’abondants hectares peuvent se produire à tout moment au Québec, en raison de la grande quantité d’argile « sensible » sous nos maisons qui peut se transformer en substance visqueuse.
Où y a-t-il de l’argile sensible au Québec ? «À peu près partout», admet Serge Leroueil, spécialiste en mécanique des sols et argiles.
Plus précisément, cette roche sédimentaire meuble 80 % de la vallée du Saint-Laurent.
«Ces argiles se comportent comme les autres argiles. Nous sommes capables de construire des maisons et des routes. Mais, dans le cas des glissements de terrain, ces argiles sensibles peuvent se remanier», a dit M. Leroueil.
De l’huile
«C’est un matériau qui est solide au départ. Puis, lorsqu’il se remanie, il devient comme de l’huile et ça coule», indique-t-il. Ce phénomène provoque plusieurs petits glissements de terrain chaque année.
«Il est également possible qu’il puisse y avoir de grands glissements terrain de plusieurs hectares», admet-il. Ce sont les talus près de cours d’eau, qui sont les plus à risque de s’affaisser.
Contrôle
Cependant, l’expert assure que le gouvernement a mis en place une équipe spécialisée en glissement de terrain.
«Une partie du travail de ces experts est de faire des cartes de susceptibilité de glissement de terrain. Ils font des études et définissent des zones susceptibles d’avoir des glissements de terrain.
Par exemple, il dessine des bandes près des talus. L’idée c’est que les gens ne puissent pas se construire dans ces zones-là. Toutes les municipalités ont accès à ces cartes», a souligné M. Leroueil.
Nombre de glissements de terrain
Dans la province
•2017 : 217 (d’avril à juin)
•2016 : 172
•2015 : 156
•2014 : 104
•2013 : 118
Par région cette année
•Mauricie : 52
•Centre-du-Québec : 31
•Outaouais : 30
•Montérégie : 29
•Lanaudière : 18
•Capitale-Nationale : 13
•Côte-Nord : 9
•Bas-Saint-Laurent : 9
•Laurentides : 8
•Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine : 6
•Chaudière-Appalaches : 6
•Saguenay-Lac-Saint-Jean : 4
•Abitibi-Témiscamingue : 1
•Laval : 1
•Nord-du-Québec : 0
•Estrie : 0
•Montréal : 0