Les premiers répondants de Saint-Bernard-de-Lacolle sont épuisés. Le nombre d’appels qu’ils reçoivent s’est multiplié par 10 depuis que des milliers de demandeurs d’asile passent par leur petite municipalité pour entrer au pays.
Alors qu’ils répondent à environ 150 appels par année normalement, ce sont désormais quatre à cinq personnes par jour qui requièrent les services des pompiers premiers répondants de cette municipalité de 1500 âmes.
«On a pas mal plus d’ouvrage qu’avant», constate Normand Faille, directeur du Service incendie et premier répondant. «On ne manque pas encore d’effectifs, mais ça ne pourra pas durer éternellement. Ça commence déjà à être dur pour les gars, psychologiquement.»
Équipes révisées
Quatre nouvelles personnes ont été formées et rejoindront les 33 autres premiers répondants au cours des prochains jours.
«Si la situation ne s’améliore pas, on pourrait devoir demander l’aide de Lacolle, la municipalité voisine», prévoit le directeur adjoint du Service incendie, Marcel Leblanc.
Déjà, les équipes qui sont de garde la nuit ont dû être révisées, puisque leurs membres se font réveiller plus fréquemment.
«D’habitude, c’est la même équipe qui fait les nuits pendant toute une semaine, explique le directeur adjoint. Mais là, temporairement, on fait des équipes de garde qui se relaient chaque jour, pour éviter que les gars, qui ont tous une autre job le jour, se fatiguent trop.»
Quinzaine d’accouchements
Uniquement au cours des dernières semaines, M. Leblanc estime que ses hommes ont dû intervenir auprès d’une quinzaine de migrantes sur le point d’accoucher.
«À ce qu’on m’a dit, il y en a même une ou deux qui ont donné naissance directement dans l’ambulance», indique-t-il.
Beaucoup de personnes diabétiques ont également eu besoin d’assistance.
«Il y en a qui sont parties de chez elles depuis plusieurs jours, alors elles manquent d’insuline», souligne Normand Faille.
«Samedi soir, il y a une dame qui a dû être transportée à l’hôpital. Là-bas, ils lui ont donné de l’insuline, mais ce dimanche matin, elle nous a rappelés, parce qu’elle n’en avait pas plus!»
Les autres appels concernent généralement des réactions allergiques ou des malaises. «Il y a des gens qui perdent connaissance à cause de la fatigue et du stress», mentionne M. Faille.
Peu de personnes âgées se trouveraient parmi les demandeurs d’asile, selon les deux hommes.
Le rôle des pompiers premiers répondants est de prodiguer des soins médicaux de base et de stabiliser l’état des patients en attendant qu’une ambulance se rende sur place, si nécessaire.
À Saint-Bernard-de-Lacolle, ce sont les ambulances d’Hemmingford et de Napierville qui se déplacent, dans un délai d’environ 15 à 20 minutes.
Coûts importants
Chaque appel reçu coûte environ 30 $ à la municipalité de Saint-Bernard-de-Lacolle, qui ne sait pas encore si la facture des interventions supplémentaires pourra être refilée au gouvernement.
«C’est sûr qu’à chaque appel, il y a des équipements qui sont utilisés, des véhicules qui sortent, des salaires qui doivent être payés, alors ça apporte des coûts de plus, note Marcel Leblanc. [...] Comme on est une petite municipalité, on n’a pas vraiment les moyens de se payer ça.»De l’aide pour les demandeurs d’asile, au-delà des politiques
Qu’ils traversent la frontière illégalement ou non, les demandeurs d’asile ont besoin d’aide. C’est le message que tente de faire passer Cynthia Nelson en organisant des collectes de dons pour les migrants hébergés temporairement dans la province.
«Peu importe si ces gens-là viennent ici de façon conforme ou non, il faut qu’ils sachent que la communauté haïtienne est là pour eux et que le Québec est ouvert aux migrants», lance-t-elle avec conviction.
Née au Québec de parents haïtiens, la femme de 42 ans tenait dimanche une énorme collecte de dons dans un entrepôt du boulevard Crémazie Est.
Au passage du Journal, en début d’après-midi, des dizaines de sacs remplis de jouets pour enfants, de couches et de fournitures scolaires avaient déjà été déposés par de généreux citoyens. Des poussettes, des sièges d’auto et du lait maternel trônaient aussi parmi les dons.
«C’est surtout pour les enfants que je fais ça, explique celle qui est directrice adjointe d’une école secondaire de Montréal. Parce qu’eux, ils n’ont pas décidé de venir ici.»
Avec l’aide de son frère et de bénévoles recrutés au cours de la dernière semaine, Mme Nelson ira porter dans les prochains jours les articles amassés dans les différents centres qui accueillent les demandeurs d’asile.
Fuir la misère
Elle fera un nouvel appel aux dons le week-end prochain, et ainsi de suite, jusqu’à ce que «les besoins se fassent moins sentir».
«En Haïti, on ne reçoit peut-être pas des bombes, mais c’est autre chose, souligne-t-elle. Les gens fuient la misère. Là-bas, c’est difficile d’avancer, d’avoir des opportunités de travail, d’offrir une belle vie à ses enfants.»
Céline Gauthier, une résidente de Laval, a demandé à toutes les personnes qu’elle avait invitées pour une soirée chez elle samedi d’apporter des articles pour les migrants, qu’elle a déposés à l’entrepôt dimanche.
«Comme je suis maman et que je travaille dans un hôpital pédiatrique, des enfants qui ont besoin d’aide comme ça, ça vient me chercher, a-t-elle raconté. Je m’imagine à la place de ces parents-là, qui n’ont même pas de couches pour leurs enfants, et je me dis que je ne peux pas les laisser comme ça.»