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L’accueil d’un demandeur d’asile coûte 8400 $ par an

JOEL LEMAY/AGENCE QMI

La première année d’un demandeur d’asile coûte un peu plus de 8400 $ au Québec, selon les calculs du «Journal de Montréal». Un chiffre qui serait très éloigné des 29 000 $ qui ont circulé sur internet.

«Il faut se méfier des coûts farfelus que l’on peut lire sur les réseaux sociaux», prévient Philippe Hurteau, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

Celui-ci dénonce la généralisation de cas extrêmes comme celui de 29 000 $ par an qui avait fait le tour du web lors de l’arrivée des réfugiés syriens en 2015.

«Je ne sais pas trop comment on arrive à un tel chiffre, mais c’est sûr que pour une famille très nombreuse, ça peut approcher les 20 000 $ pour la première année ici», dit M. Hurteau.

Notre calcul

En l’absence de chiffres officiels, «Le Journal» a compilé les données existantes pour tenter d’avoir l’heure juste.

La première dépense concerne l’hébergement temporaire offert à l’arrivée des migrants dans la région de Montréal.

Le seul chiffre officiel est le coût du Stade olympique, soit 1,5 million $ pour 600 places durant sept semaines. Sachant que les migrants restent environ un mois en hébergement temporaire, cela revient à 1250 $ par personne pour ce premier mois, nourriture incluse.

Durant leur hébergement temporaire, les demandeurs d’asile ont également droit à des cartes de transport hebdomadaires à 25,75 $ chacune.

Une fois qu’ils ont quitté les centres d’hébergement, les demandeurs d’asile ont droit à l’aide sociale. Les montants versés sont un peu supérieurs à ce que touche le reste de la population pour compenser le fait que les demandeurs d’asile n’ont pas droit au crédit d’impôt pour la solidarité.

Si l’on additionne ces chiffres, en considérant que la personne ne travaillera probablement pas de l’année en raison des délais d’obtention des permis de travail, on obtient un coût moyen de 8425 $ par demandeur d’asile pour sa première année au Québec.

Pas inclus

Ce chiffre varie si cette personne vient en famille puisque le calcul de l’aide sociale prend en compte les conjoints et les enfants.

Notre calcul ne prend cependant pas en compte les frais d’éducation pour les quelque 800 enfants arrivés des États-Unis par le rang Roxham de Saint-Bernard-de-Lacolle cet été.

Il ne comprend pas non plus l’aide juridique à laquelle les demandeurs d’asile ont droit.

Enfin, nous n’avons pas non plus inclus les dépenses relevant du fédéral qui ne sont pas communiquées pour la plupart et qui se répercutent sur l’ensemble des Canadiens.

Dans ces dépenses, il y a l’hébergement sous une tente à la frontière, l’ajout de personnel à Immigration Canada, les heures supplémentaires des policiers et des douaniers ou encore les soins fournis par le Programme fédéral de santé intérimaire.

Autre calcul

Le résultat de notre calcul se rapproche de celui qu’avait obtenu pour nous Philippe Hurteau, de l’IRIS. Il s’était servi des budgets du gouvernement provincial en 2015-2016.

En ajoutant les sommes allouées au plan d’immigration du gouvernement et celles investies par les différents ministères impliqués dans l’aide aux migrants – Éducation, Travail et Santé –, il arrivait au total de 383 millions $, soit 7819 $ par an et par personne.

Si l’on évalue que 9000 migrants ont franchi la frontière de façon irrégulière cet été, le coût de cette vague pour le Québec est d’un peu plus de 75 millions $.

Coûts pour une personne selon les calculs du Journal

Hébergement temporaire (1 mois) 1250 $

Cartes de transport STM (4 semaines) 103 $

Aide sociale (11 mois) 7072 $

Total 8425 $

Autres coûts

Éducation 10 678 $ par élève au public (données de 2012-2013)

Budget du Programme fédéral de santé intérimaire 50 millions $ (2016-2017)

Faut-il rendre les chiffres publics ?

Pour la Fédération canadienne des contribuables (FCC), les gouvernements doivent être plus transparents, mais pour le chercheur Philippe Hurteau, ce n’est pas la priorité.

Dernièrement, aucun point de presse de ministres sur le dossier de migrants ne se déroule sans une question sur les coûts engendrés par la situation.

En réponse, le fédéral explique que les dépenses sont en cours et qu’il lui est donc impossible de dresser un bilan.

Au provincial, le ministère de l’Immigration a informé Le Journal que des mesures ont été prises par les ministères concernés pour comptabiliser les coûts.

«L’exercice sera coordonné par le secrétariat du Conseil du trésor plus tard cette année», nous a-t-on dit.

Pour Carl Vallée, de la FCC, il s’agit clairement d’un manque de transparence.

«J’ai fait partie d’un gouverne¬ment et je sais que les ministères connaissent ces chiffres, estime l’ex-porte-parole de Stephen Harper. Mais il faut la volonté politique de les rendre publics.»

Opposition

M. Vallée estime qu’il n’est pas raisonnable d’accepter ces dépenses, alors qu’on peine à bien nourrir nos aînés dans les CHSLD.

Cet argument irrite Philippe Hurteau. « Il faut arrêter de mettre en opposition nos personnes fragiles, dit le chercheur de l’IRIS. L’argent que l’on met dans l’accueil des migrants ne serait de toute façon pas allé aux aînés.»

M. Hurteau est convaincu lui aussi que les gouvernements connaissent les dépenses, mais, selon lui, il n’est pas urgent de les dévoiler.

«La question des coûts ne doit pas nous détourner du vrai enjeu, qui est d’ordre humanitaire, dit-il. La question des coûts et de comment les réduire à l’avenir se posera plus tard.»

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