Le ministre québécois de la Culture accuse Ottawa d’avoir abdiqué sur le contenu francophone dans son entente avec Netflix.
Luc Fortin s’est dit «en colère» lors d’un point de presse peu après l’annonce des détails de l’entente par la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. «Je suis sans mot lorsque j'entends ses explications», a lancé le ministre Fortin.
L’entente prévoit que Netflix devra investir 500 millions$ sur cinq ans en production originale au Canada. Toutefois, celle-ci ne prévoit aucun contenu minimal francophone. Tout au plus, Netflix devra-t-elle débourser 25 millions$ sur cinq afin de développer une stratégie de mise en marché pour «appuyer le contenu canadien en français sur la plateforme de Netflix».
«Il n’y a pas de certitude quant à la proportion de contenu original francophone, s’est indigné le ministre Fortin. Comment on peut abdiquer sur cette question-là, lorsqu’on sait toute la précarité de notre identité dans cet univers numérique ?»
«Le gouvernement fédéral doit refaire ses devoirs et exiger une portion de contenu original francophone dans les 500 millions$ qui seront investis par Netflix», a-t-il ajouté.
Iniquité fiscale
Le ministre a également dénoncé l’autre volet de l’entente, qui prévoit que Netflix n’aura pas à facturer les taxes aux consommateurs canadiens. L’entreprise américaine n’aura pas non plus à cotiser au Fonds des médias du Canada, comme c’est le cas pour les distributeurs canadiens.
«Ça vient cautionner une iniquité fiscale à tout le moins, estime Luc Fortin. Il y a un traitement qui est différent pour une entreprise étrangère que pour les entreprises canadiennes. Je ne comprends pas, comme gouvernement, comment Ottawa peut accepter ça.»
Le ministre se questionne sur le message envoyé aux entreprises canadiennes. «Honnêtement, si j'étais une entreprise canadienne aujourd'hui, je ferais des demandes au gouvernement fédéral. Pourquoi je continuerais de percevoir les taxes? Pourquoi je continuerais d'être imposé? Pourquoi je continuerais d'être assujetti aux règles du CRTC?», a-t-il lancé.
Comme il l’avait annoncé la semaine dernière, le ministre Fortin se dit prêt à taxer lui-même Netflix. «Notre première étape aujourd'hui, c'est de voir jusqu'où on peut aller, comme gouvernement, en vertu de cette entente-là, dit-il. Alors, ça, c'est la première étape, et on verra éventuellement si on doit aller plus loin.»
La CAQ satisfaite
Avant même l’annonce officielle de l’entente avec Netflix, les partis d’opposition ont commenté les informations qui avaient coulé dans les médias jeudi matin.
«On vient consacrer qu'il est correct de faire de l'évasion fiscale», s’est indigné le porte-parole du PQ en matière de finances, Nicolas Marceau.
Pour le PQ, Québec peut tout à fait aller de l’avant avec l’imposition de la TVQ, malgré l’entente du fédéral avec la multinationale. «Il faut juste voir de quelle manière ça peut se faire, mais il clair que le Québec a une autonomie fiscale», estime Nicolas Marceau.
De son côté, la CAQ a salué l’investissement de Netflix au Canada. «Je pense que si Netflix veut investir 500 millions$ sur cinq ans pour des productions canadiennes, des productions québécoises, c’est une très bonne nouvelle», a commenté son leader parlementaire, François Bonnardel.
Il s’est notamment réjoui de peut-être voir un jour «un House of Cards québécois».