Plus de la moitié des plaintes pour agression sexuelle traitées par les policiers canadiens tombent à l’eau avant même de se rendre devant un tribunal, révèle une nouvelle étude de Statistique Canada. Un constat «alarmant» selon des experts.
Il y a eu près de 130 000 plaintes d’agression sexuelle jugées « fondées » par les policiers entre 2009 et 2014 à travers le pays. De ce nombre, seulement 41 % ont mené à des accusations criminelles.
Pire encore: on estime que seulement 5 % des agressions sexuelles sont dénoncées aux policiers.
C’est ce que révèle un nouveau profil des agressions sexuelles entre 2009 et 2014 publié mardi par Statistique Canada. C’est l’étude des plaintes, des victimes, des suspects et aussi des enquêtes policières pour les agressions sexuelles la plus détaillée à ce jour, dit l’organisme fédéral.
«Ce sont des constats assez alarmants qui confirment malheureusement ce qu’on entend depuis 40 ans sur le terrain. On n’arrête pas de dire aux femmes de dénoncer leurs agresseurs, mais lorsqu’elles le font, le processus ne mène souvent à rien», se désole Stéphanie Tremblay, porte-parole du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS).
Ses propos ont trouvé des échos chez de nombreux autres organismes d’aide aux victimes d’agression sexuelle auxquels «Le Journal de Montréal» a parlé.
Jeunes garçons
Selon l’étude, les femmes représentent la très grande majorité (87 %) des victimes d’agression sexuelle au pays, tandis que les hommes sont quasiment toujours les agresseurs allégués (98 %).
Or, les chiffres de Statistique Canada font un autre constat troublant : la moitié des victimes masculines ont 13 ans ou moins (comparativement à 18 ans pour les femmes).
«Il y a vraiment une grande différence entre l’âge médian des victimes mâles et femelles et ça nous a étonnés, explique Warren Silver, analyste chez Statistique Canada. On ne sait pas exactement pourquoi, mais il se peut que les victimes masculines plus âgées dénoncent beaucoup moins les agressions.»
Moins au Québec
Fait étonnant : le Québec est la deuxième province où la police rapporte le moins de plaintes pour agression sexuelle par 100 000 habitants. D’ailleurs, Gatineau est la troisième région métropolitaine avec le plus bas taux de plaintes de ce type à travers le pays.
Mais pas question de se réjouir, dit Mme Tremblay, qui avertit que c’est plutôt un signe que les Québécoises et Québécois ne dénoncent pas les agressions à la même vitesse que leurs homologues canadiens.
«Il faut vraiment que le Québec se débarrasse de cette culture d’impunité envers l’agression sexuelle et il y a beaucoup de travail d’éducation à faire auprès des policiers et du système judiciaire pour défaire d’importants préjugés envers les victimes», résume la porte-parole.