Cette semaine «J.E.» révèle des données alarmantes sur le manque de sommeil des Québécois. Un problème contemporain qui affecte plus de la moitié de la population. Un constat effrayant face auquel les médecins se retrouvent souvent désemparés.
La privation de sommeil a plusieurs effets indésirables sur la santé. Parmi ceux-ci, le risque accru de développer un cancer, de souffrir d'hypertension ou d'avoir un accident de voiture.
La fatigue est l'une des causes principales de décès sur les routes du Québec. Chaque année, elle est à l'origine de plus d'un accident sur 5 provoquant des blessures ou la mort. C'est presque autant que dans le cas de l'alcool au volant.
Données alarmantes
Les spécialistes estiment qu'en moyenne une personne sur deux ou trois est susceptible d'avoir un problème de sommeil à un moment dans sa vie.
Mais un sondage Léger réalisé pour le compte de l’émission «J.E.» révèle des données aussi surprenantes qu'alarmantes. 78% des Québécois sondés souffrent de troubles de sommeil variant de l'insomnie occasionnelle (62%) ou régulière (16%).
«C'est le problème du siècle», a réagi Jean-Marc Léger, économiste et président de la firme Léger.
Témoignages
Simone Garo est loin d'être un cas extrême, car elle n'a pas de problème de sommeil connu. Il y a 13 ans, comme bien des jeunes de son âge, elle combinait le travail et les études pour devenir policière.

capture d'écran, TVA Nouvelles
Lors d'une soirée de fin de session, le 9 mai 2004, elle a sous-estimé sa fatigue: «J'ai accumulé tout ça. Même ma mère m'avait avertie le soir même de ne pas prendre la route, je suis allée pareil à ma soirée et, en revenant, j'ai dépassé les lumières à Saint-Grégoire après le pont de Trois-Rivières et ensuite c'est le black-out, je ne m'en rappelle pas. J'ai fait un face à face avec une autre camionnette sur l'autoroute 55.»
Il aura fallu près de 12 heures de chirurgie pour reconstruire le visage de Simone, brûlé au deuxième et troisième degré par l'acide à batterie de sa voiture. Les os de son crâne ont aussi été broyés au contact du sac gonflable.
13 ans et 27 chirurgies plus tard elle s'apprête à retourner sur la table d'opération pour une 28e fois pour une greffe de cornée.

Pascale Lauzon s'est vu prescrire de puissants médicaments, entre autres du lithium pendant des années. Jusqu'à l'an dernier, les médecins croyaient qu'elle avait un problème de santé mentale, mais les résultats d'une polysomnographie, un test qui évalue le sommeil, ont plutôt révélé un syndrome des jambes sans repos et l'apnée du sommeil.
«Ç'a pris 15 ans avant de me faire diagnostiquer parce que je n'étais pas obèse, je n'avais pas de carence en fer, je n'avais pas de diabète et je n'avais pas en haut de 65 ans», estime la mère de famille, qui a souvent eu l'impression de servir de cobaye.
Qu'est-ce que bien dormir?
L'équipe de «J.E.» s'est rendue à la Clinique du sommeil au CHUM en compagnie du Dr Pierre Mayer. Son équipe étudie chaque semaine le sommeil d'une trentaine de personnes en laboratoire en plus des examens ambulatoires.
«Si on dort moins que 7 heures et demie de sommeil, ce qui est la majorité des cas, c'est de multiples risques de maladies qui augmentent donc tant au niveau de la performance au travail qu'au niveau de l'hypertension, au niveau des accidents, des maladies cardiaques, du cancer même», explique le Dr Mayer.
Ce dernier estime que le Québec est la province la plus sous-financée dans les traitements des troubles du sommeil. «Par rapport aux États-Unis, on est le tiers monde», affirme-t-il.
De la référence du médecin à l'initiation ou le début du traitement, le délai est d'environ 12 mois. Aux États-Unis, il est de moins de quatre semaines: «On est très loin des délais recommandés par nos associations», conclut ce dernier.
Un mal qui profite
Les délais pour un diagnostic adéquat sont encore importants et ouvrent la porte au développement d'une industrie parallèle qui n'est pas contrôlée.
En désespoir de cause et faute de réponses plus rapides, les gens qui souffrent de troubles de sommeil sont parfois prêts à tout pour en finir avec leurs problèmes.
L'équipe de «J.E.» est allée à la rencontre charlatans et de professionnels qui dépassent largement leurs champs de compétences.
Lors de ces entretiens filmés par une caméra cachée, nous avons été témoins de comportements dangereux et illégaux: potion magique, prières et contre-indication à consulter un médecin.
Le Collège des médecins et les différents ordres impliqués se sont dits grandement préoccupés par les résultats de notre enquête.