Le mécanicien qui a suggéré de changer la locomotive défectueuse à la tête du train de pétrole avant qu’il explose à Lac-Mégantic s’est fait traiter de «chialeux» par son patron.
L’ex-mécanicien de locomotive de la Montreal, Maine & Atlantic (MMA), François Daigle, a été mal accueilli lorsqu’il a suggéré la veille du déraillement mortel du 6 juillet 2013, de mettre une locomotive fonctionnelle à la place de celle qui était défectueuse, à la tête du train de pétrole qui a déraillé, la nuit suivante.
«Tu chiales encore. C’est ça qu’on a. Pis de toute façon, tu vas prendre ta pension après moi», lui aurait répondu l’ex-directeur des transports au bureau de Farnham, Jean Demaître.
Ce dernier est accusé de négligence criminelle causant la mort de 47 personnes, tout comme deux autres ex-employés de la MMA, Tom Harding et Richard Labrie.
Au jour 11 du procès, M. Daigle a expliqué que le changement de locomotive que M. Demaître a refusé aurait pris seulement une trentaine de minutes.
Le 4 juillet, M. Daigle avait conduit cette locomotive, la 5017, qui avançait au ralenti notamment à cause de bris électriques reliés à un problème d’ampérage.
«Elle faisait de la boucane noire», a-t-il rapporté.
Celui-ci avait informé un superviseur des défectuosités de la 5017 qu’il avait notées dans un document envoyé par télécopie, à 21 h 45, à l’atelier de mécanique de Derby, dans le Maine.
Train trop lourd
M. Daigle faisait partie des rares mécaniciens de locomotive du bureau de Farnham à conduire, comme Tom Harding, des trains de pétrole. Il a déclaré que le transport de ces lourds convois était récent à la MMA. Le personnel n’avait reçu aucune formation spéciale entourant la sécurisation des nouveaux chargements de matières dangereuses.
M. Daigle a admis que les wagons de 9100 tonnes que tirait la locomotive défectueuse de Tom Harding, avant le déraillement, dépassaient largement les 6300 tonnes autorisées.
Contre-interrogé par l’un de ses procureurs, Me Charles Shearson, M. Daigle a confirmé qu’un mécanicien de locomotive n’avait pas le droit de refuser de conduire à bon port un train de pétrole qui excédait le poids permis.
Selon lui, la réduction de l’équipe de train, de deux à un seul homme, survenue peu de temps avant la tragédie, n’avait pas été non plus assortie d’encadrement particulier à la MMA, à part l’intégration du «belt pack».
Ce système de loco commande devait contrôler les locomotives pour compenser l’absence de l’ingénieur, qui accompagnait auparavant le mécanicien de locomotive.