Un groupe de biologistes passionnés se lance dans la construction de refuges pour la plus rare des couleuvres québécoises, une espèce en péril qu’on ne trouve qu’à Montréal.
«Ça me vient de l’enfance. Quand j’étais petit, je rapportais des couleuvres à ma mère», raconte Sébastien Rouleau, biologiste au Zoo Ecomuseum, en soulevant une roche sur le bord de la rivière des Prairies, au parc de la Visitation.
L’endroit situé au nord de Montréal est connu pour abriter des couleuvres brunes depuis une dizaine d’années. Mais la survie de l’espèce n’est pas garantie puisque les arbres prennent le dessus sur les terrains ouverts qu’affectionne le reptile.
Refuge d’hiver
Pour lui venir en aide, l’équipe de M. Rouleau contrôle la végétation et construira dans les prochaines semaines des hibernacles, c’est-à-dire des amas de roches et de substrat qui serviront de refuge l’hiver.
Grâce à une subvention de la Fondation Hydro-Québec pour l’environnement, les biologistes opéreront au parc-nature de l’Île-de-la-Visitation, au refuge faunique de Deux-Montagnes et au parc national des Îles-de-Boucherville.
Comme le papillon monarque, la couleuvre brune s’épanouit dans les friches rocailleuses de fleurs sauvages, loin des arbres ombrageux. Elle y trouve du soleil en quantité pour se réchauffer, des rochers pour se cacher des prédateurs et des limaces qui constituent l’essentiel de son alimentation.
Habitat
Mais ces espaces ouverts sont des sites privilégiés pour le développement urbain, donc « la pression est forte sur l’habitat des couleuvres », résume M. Rouleau.
Dans l’ensemble de l’archipel montréalais, « seulement 7 % des habitats connus de la couleuvre brune sont protégés, 25 % vont disparaître de façon imminente et 30 % ont un statut précaire », énumère-t-il avec inquiétude.
Résultat, la couleuvre montréalaise est sur la liste des espèces de la faune susceptibles d’être désignées menacées du Québec depuis 1992.
En 2010, 144 spécimens ont dû être relocalisés pour laisser place au nouvel échangeur Turcot. Bien qu’elles fassent grand bruit, les opérations de relocalisation n’ont pas semblé concluantes, car on en sait trop peu sur le mode de vie des couleuvres.
M. Rouleau craint aussi une surpopulation dans les lieux de relocalisation.
«On ne peut pas raser des quartiers entiers et mettre tout le monde dans une même maison. Un moment donné, il va y avoir un problème», illustre-t-il.