Ce n’est pas parce que Tom Harding a eu un comportement imparfait lorsqu’il a immobilisé son train de pétrole à Nantes le soir du 5 juillet 2013 que cette erreur fait de lui un criminel, a plaidé son avocat.
L’avocat de Tom Harding, Me Charles Shearson, a rappelé au jury lors de sa plaidoirie lundi que lorsque son client a eu l’appel concernant un incendie de cheminée dans la locomotive de tête du convoi de pétrole, il a offert de retourner sur les lieux pour s’assurer que tout était correct.
Son supérieur Richard Labrie a cependant refusé.
Tom Harding a appliqué des freins à air et sept freins à main lorsqu’il a garé son train de pétrole à Nantes, le soir du 5 juillet 2013. Selon Me Shearson, la force de freinage était deux fois et demie au-delà de ce qui était nécessaire pour retenir le convoi.
«Ce train n’allait nulle part», a plaidé Me Shearson.
La Couronne reproche à Harding de ne pas avoir insisté et dit au contrôleur que les sept freins à main qu’il avait appliqués, à eux seuls, étaient insuffisants pour retenir le train.
Moteur
Or, Me Shearson affirme que son client n’a jamais compris clairement que le moteur de la locomotive en feu avait été arrêté au moment de l’incendie, ce qui diminuait la force de rétention du train de pétrole.
Cela explique pourquoi Harding était si surpris quand il a appris, la nuit du 6 juillet, que le train qui avait déraillé et explosé à Lac-Mégantic, vers 1 h 13, était le sien.
Selon l’avocat, il manquait à son client une pièce importante du casse-tête.
«Je ne blâme personne. Tout le monde avait un morceau d’information différent», a lancé Me Shearson.
Me Shearson a présenté la première journée de sa plaidoirie lundi aux membres du jury qui seront possiblement séquestrés dès mercredi pour déterminer si les trois-ex-employés de la Montreal, Maine & Atlantic (MMA) sont coupables ou non.
Le conducteur du train qui a explosé à Lac-Mégantic le 6 juillet 2013, Tom Harding, le contrôleur ferroviaire, Richard Labrie, et le directeur du transport, Jean Demaître, sont tous accusés de négligence criminelle causant la mort des 47 victimes.
Règlement
Même si un règlement stipule que l’équipe de train doit se fier uniquement aux freins manuels pour sécuriser un train, l’expert Stephen Callaghan a confirmé, lors de son témoignage, que l’usage combiné des freins à airs et à mains est une pratique généralisée dans l’industrie ferroviaire, et ce, même depuis la tragédie de Lac-Mégantic.
«Il a dit que c’était toléré par le législateur (Transport Canada)», a ajouté Me Shearson.
De plus, l’avocat a fait valoir que Harding avait effectué un test d’efficacité avant de laisser le train sans surveillance. Toutefois, ce dernier n’était pas conforme aux normes.
Me Shearson poursuivra sa plaidoirie mardi.
Plusieurs imperfections ont mené à l’explosion de Lac-Mégantic
L’avocat de Tom Harding croit que la tragédie est le résultat de plusieurs imperfections, qui ne sont pas uniquement attribuables à Tom Harding.
La semaine dernière, les avocats des deux autres accusés, Richard Labrie et Jean Demaître, ont tenté de se disculper en mettant la faute sur le conducteur du train.
L’avocat de Tom Harding compare plutôt son client à une tranche de fromage suisse dans laquelle il y avait un trou, comme c’était le cas pour celles du bloc au complet.
Pour Me Charles Shearson, les trous des blocs de fromage ont formé une trajectoire qui a ouvert la voie à la catastrophe de Lac-Mégantic, dont il ne minimise pas les conséquences.
«Il y a tellement de facteurs», a-t-il dit aux membres du jury.
Nombreux trous
Par exemple, il a noté que, dans un monde parfait, le système de freinage d’urgence de la locomotive à la tête du convoi de pétrole aurait été fonctionnel. Les freins de pénalité auraient alors empêché le train de dévaler la pente et de dérailler à 101 km/h au centre-ville de Mégantic, le 6 juillet 2013.
De plus, le convoi de pétrole n’aurait pas été garé dans la voie ferrée principale, à Nantes, mais plutôt dans la voie d’évitement, qui était réservée aux clients de la MMA.
La compagnie aurait mieux évalué et encadré les risques.
C’est sans oublier le feu qui s’est déclaré dans la cheminée de la locomotive de tête, le soir du 5 juillet 2013, dont même l’expert Stephen Callaghan n’a pu déterminer la cause.
Me Shearson a également déploré que ce dernier eût reçu un mandat limité des policiers de la Sûreté du Québec qui, aussi compétents soient-ils, n’avaient pas d’expérience dans les enquêtes liées aux accidents ferroviaires.
«Ils ont limité les conclusions qu'il pouvait tirer en limitant l’information qu'il pouvait obtenir», a contesté l’avocat.
C’est Harding lui-même qui a formé le policier Denis Soulard de la SQ, le lendemain de l’explosion, en lui donnant un «cours 101» sur les trains.
Me Shearson a relevé que son client n’a jamais caché le nombre de freins à main qu’il avait appliqués, mais cette faute ne serait pas représentative de tout son comportement.