Un an après l’attentat à la Grande mosquée de Québec, les proches des six victimes ont adressé en cœur de chauds remerciements à la population pour leur soutien, samedi soir, tout en lançant un appel pour que la solidarité perdure dans les années à venir.
«On remercie toutes les personnes, de près ou de loin, qui nous ont soutenus à la suite de ce tragique événement.» La gorge nouée par l’émotion, Hidjado Barry peine à terminer son propos, elle dont le mari Mamadou Tanou figure parmi les victimes.
«Respire, ça va aller», lui glisse à l’oreille un proche. Courageusement, devant de nombreuses caméras, les proches ont livré de vibrants remerciements et appels à l’unité.
Dans la salle de prière, les murs sont tapissés de tels messages d’encouragement, provenant de la communauté, mais aussi d’écoles, d’organismes et de la population. «Ce n’est même pas 10 % de ce qu’on a reçu», assure Mahedine Djamai, porte-parole du Centre culturel islamique.
«Le vide, l’absence de la personne chère est ce qui a été le plus dur pour nous. Les survivants reçoivent de l’aide et de la solidarité... Mais le vide laissé par la personne ne sera jamais comblé», témoigne Safia Hamoudi, la veuve de Khaled Belkacemi, victime qui enseignait à l’Université Laval.
S’ouvrir
Nombreux sont les membres de la communauté qui évaluent que la perception d’une partie de la population à leur égard doit changer. À ce sujet, ils ne se défilent pas.
«On devrait faire plus d’efforts pour s’ouvrir et sortir de ce caucus, d’être une communauté ciblée et diabolisée», a suggéré Aymen Derbali, devenu paraplégique après le drame.
Il pointe comme piste de solution que la communauté soit plus «active» et «organisée» d’un point de vue communautaire et humanitaire, donnant l’exemple de la communauté musulmane de Toronto.
Responsabilité
«Il faut que chacun de nous assume sa responsabilité. Les médias doivent assumer leur responsabilité. Chaque citoyen doit l’assumer. Il faut dire non à la haine», poursuit-il, lui qui souhaite davantage s’impliquer, notamment auprès des jeunes, pour ériger des ponts entre les communautés.
«Il faudrait qu’en tant que société, nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour vaincre la haine et l’intolérance. Il faut faire tout ce qu’on peut pour bâtir des ponts, aller vers les autres, nous comprendre. Voir quelles sont nos similitudes plutôt que nos différences», a proposé Safia Hamoudi.«Un vide profond»
La population répond à l’appel de la communauté
La population de Québec a répondu présente à l’invitation du Centre culturel islamique, qui ouvrait ses portes, samedi, dans le cadre d’une soirée portes ouvertes.
Plusieurs dizaines de personnes ont saisi la main tendue par la communauté musulmane, passant de longues minutes à discuter dans la salle de prière.
«Poser un geste»
«C’est écrit sur tous les murs, mais je veux poser un geste de solidarité. Pour rétablir les ponts, tout le monde a une responsabilité. Leur communauté doit être plus ouverte, et nous aussi, on doit être plus ouverts», affirme Marc Bernatchez.
Le député de Louis-Hébert Joël Lightbound s’est également déplacé afin de prodiguer de bons mots aux familles éplorées et pour discuter avec la communauté.
«Il faut continuer d’essayer de bâtir des ponts, d’être dans l’amour et la solidarité», soutient l’élu libéral.
«Pour prendre conscience des épreuves»
«Permettre aux blessés de parler de ce qui est arrivé de leur perspective et de faire prendre conscience des épreuves terribles qu’ont dû surmonter les proches des victimes.»
Voilà les deux objectifs qui ont guidé Tariq Syed pour la réalisation d’un documentaire d’un peu plus d’une heure portant sur l’attentat à la Grande mosquée de Québec. Projeté pour la première fois samedi, à l’Université Laval, «Ta dernière marche dans la mosquée» donne la parole aux survivants et aux familles des victimes, qui y racontent comment ils ont vécu l’avant, le pendant et l’après-attentat. Plusieurs étaient d’ailleurs sur place pour le visionnement.
«C’était un sentiment mitigé. Tu es content de retrouver ta famille, tes enfants. Mais tu penses aussi au fait que d’autres n’ont pas eu cette chance», confie notamment Hakim, dans le documentaire, lui qui a protégé la fille de l’imam Nazir au cours de la tuerie.
Rapprochement
Plus d’une centaine de personnes ont assisté à la projection, majoritairement de la communauté musulmane de Québec. Or, il était aussi possible d’y croiser quelques curieux de l’extérieur de celle-ci.
«On avait organisé une rencontre quelques mois après la tragédie, et c’était majoritairement des personnes musulmanes. Et aujourd’hui, c’est encore ça. On dirait que c’est l’un ou l’autre... J’aurais aimé que [la foule] soit plus partagée», avoue Lise Gauvreault, qui participe au rapprochement entre les communautés par l’entremise de la Passerelle interculturelle.
«Il reste plus qu’un pas à faire. Il faut tisser des ponts. Ce n’est pas une affaire d’une seule rencontre», ajoute-t-elle.