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L’expertise québécoise maintenant sollicitée dans le monde

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Les enseignements tirés de la tragédie de Lac-Mégantic bénéficient maintenant aux populations d’autres villes dans le monde qui sont à leur tour touchées par des catastrophes ou des attaques terroristes.

Depuis deux ans, la directrice de la Santé publique de l’Estrie, Dre Mélissa Généreux, sillonne la planète pour partager l’expertise développée après le drame qui a coûté la vie à 47 personnes en 2013.

Cette médecin, qui a eu la responsabilité d’ordonner l’évacuation de milliers de personnes après l’explosion, a notamment été invitée à Londres l’an dernier après les attentats et l’incendie de la tour Grenfell qui a causé la mort de 80 personnes.

«Les traumatismes ressentis par les gens de Lac-Mégantic ou de Londres sont de même nature, dit Dre Généreux. On assiste dans la population à une augmentation des niveaux d’anxiété, d’abus de substances et de cas de stress post-traumatique.»

«Tout cela est documenté, autant pour les inondations, les ouragans, les feux, les explosions et les attentats terroristes. La seule différence, ajoute-t-elle, c’est si l’évènement est d’origine naturelle ou causé par une erreur ou un geste humains.»

Dans ces derniers cas, le processus psychologique pour passer au travers est un peu plus ardu, signale la médecin, qui ira expliquer les leçons apprises à Lac-Mégantic le mois prochain en Guadeloupe, dévastée en 2017 par l’ouragan Maria.

Auparavant, Dre Généreux a notamment été aussi appelée à se rendre à Flint au Michigan (eau potable contaminée), à Edmonton (feux de forêt de Fort McMurray), ainsi qu’en Australie, en Autriche, en Norvège et au Pays-de-Galles.

En poste depuis quatre jours

Mélissa Généreux était directrice de la Santé publique de l’Estrie depuis quatre jours seulement quand la catastrophe est survenue. Le réveil en pleine nuit a été aussi brutal que l’ampleur de la tragédie : multiples décès, dévastation massive du milieu de vie, catastrophe environnementale, etc.

Dre Généreux a vite réalisé qu’il n’existait pas de guide pour aider une communauté à se relever après un tel évènement.

Des études menées à Lac-Mégantic dans les années qui ont suivi la tragédie ont révélé que 50 % des gens avaient souffert de symptômes dépressifs, que la consommation d’alcool avait augmenté chez les hommes et celle de médicaments chez les femmes.

Redonner le pouvoir

Appuyée par Danielle Maltais, une travailleuse sociale du Saguenay qui avait vécu les conséquences du déluge de 1996, Dre Généreux a contribué au plan d’intervention avec les autorités municipales et gouvernementales. Un plan qui s’appuie sur des actions initiées par le milieu.

«Je me suis longtemps demandé comment on faisait collectivement pour essayer de remonter le moral d’une population assez rapidement», dit-elle lors d’une entrevue où elle n’a pu retenir quelques larmes.

«J’ai réalisé au fil des interventions que ce n’est pas la Santé publique qui avait les réponses, mais la communauté elle-même. Nous sommes là pour mobiliser les gens, les accompagner, leur redonner le pouvoir.»

C’est cet enseignement qu’elle propage aujourd’hui à l’étranger, où elle contribue en outre à mettre sur pied un réseau international d’entraide entre villes sinistrées.

«Une population plus forte, mais aussi plus fragile»

Quatre ans et demi après l’explosion du train, la population de Lac-Mégantic reste profondément marquée malgré toutes les mesures prises à ce jour, constate Dre Mélissa Généreux.

«La communauté ne sera plus jamais la même. Elle sera plus forte, mais en même temps plus fragile», dit-elle.

«On observe que des enfants qui n’étaient pas nés lors de la tragédie ont développé une peur du train à cause du stress qu’ils ressentent autour d’eux», illustre-t-elle.

Le retour des convois au centre-ville n’a pas aidé la population à surmonter le traumatisme. Mais déplacer la voie ferrée n’effacera pas non plus le drame pour autant.

«Il n’y a pas de baguette magique, dit la directrice de la Santé publique de l’Estrie. Pour certaines personnes, ça sera aidant (de déplacer les rails), mais c’est plus qu’un train qui passe. C’est un cumul d’expositions et de pertes. Le fait d’être exposées quotidiennement au train représente un stress important.»

Après avoir vécu des stresseurs primaires – l’explosion, les morts, le deuil, la catastrophe environnementale –, des gens ont aussi été exposés à des stresseurs secondaires, souligne Dre Généreux.

La destruction du centre-ville, la reconstruction, l’hyper médiatisation, l’indemnisation et tout récemment le procès qui a duré plusieurs semaines sont venus réactiver chez certains un niveau de stress.

Tabou familial

Le stress secondaire, dit-elle, c’est aussi de vivre dans une famille où on n’évoque plus les évènements survenus en 2013. «Il y a beaucoup de gens qui n’en parlent plus. C’est tabou, on n’y fait plus jamais allusion.» Un silence qui n’est pas forcément réparateur.

La population finira-t-elle par surmonter ce drame?

«C’est sûr que cela aura laissé des traces pour toute une génération, croit la Dre Généreux. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’au final, l’issue sera plus négative que positive. Si on aide les gens à travailler sur leurs forces, ils vont sortir de là grandis. J’y crois totalement et on est plusieurs à y croire sur le terrain.»

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