Après avoir rencontré sur fond de controverse la famille du jeune autochtone assassiné Colten Boushie, le premier ministre du Canada a promis mardi de réformer la justice au pays, sans toutefois offrir de détails ou d’échéancier précis.
«Je me suis engagé à travailler avec eux pour améliorer notre système qui a créé trop d’échecs pour les communautés autochtones», a assuré Justin Trudeau.
Le Saskatchewanais Gerald Stanley a été acquitté, vendredi soir, du meurtre de Colten Boushie, un jeune autochtone de 22 ans, survenu en novembre 2016. La décision du jury a soulevé un tollé sur les médias sociaux et dans les communautés autochtones.
La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a fait savoir en conférence de presse que le fédéral proposerait «dans un avenir rapproché» une large réforme du système judiciaire pour favoriser l’inclusion des minorités.
Cela comprendrait notamment une modification du processus de sélection des jurés, qui a été montré du doigt à l’issue du procès.
Un plan d’action attendu
Cette mesure figure parmi les demandes de la famille Boushie, qui a rencontré, en plus de Justin Trudeau, plusieurs ministres dans les deux derniers jours.
«Tout le monde était d’accord pour dire que les autochtones font face à des problèmes systémiques. Chaque personne rencontrée a promis de travailler avec nous pour apporter des changements concrets au système de justice», a indiqué la cousine de Colten Boushie, Jade Tootoosis.
Le Nouveau Parti démocratique a salué la volonté du gouvernement, mais a critiqué son manque de contenu. «Les mots sont insuffisants. Nous avons besoin d’un plan d’action de la part du gouvernement», a soutenu le porte-parole néodémocrate en matière d’enjeux autochtones, Charlie Angus.
Réactions controversées
Dans la foulée de l’annonce du verdict vendredi, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, et les deux ministres chargées des affaires autochtones, Carolyn Bennett et Jane Philpott, ont partagé leur déception sur les réseaux sociaux. Justin Trudeau a fait de même le lendemain.
Tant le bureau du premier ministre que les ministres en cause ont expliqué avoir voulu exprimer leur compassion envers la famille de la victime. Plusieurs experts en droit ont toutefois critiqué les interventions politiques dans ce dossier, arguant qu’elles minaient l’indépendance judiciaire au pays.
Jody Wilson-Raybould a maintenu mardi qu’elle ne regrettait pas ses propos. «Ça serait très inquiétant d’avoir une procureure en chef qui ne se préoccupe pas d’améliorer le système. Mes commentaires sur la nécessité de faire mieux ont élevé le débat», a-t-elle précisé.
La ministre de la Justice ne s’inquiète pas du tout d’un possible impact négatif de ses propos sur d’éventuelles procédures à venir. Les proches de Colten Boushie non plus.
«Ce sont des êtres humains, a dit Jade Tootoosis au sujet des réactions des ministres. Ils nous ont tendu la main en tant qu’êtres humains.»
Ingérence ou imprudence?
Après avoir refusé de se prononcer la veille, le Parti conservateur a jugé mardi que la situation actuelle était malsaine et qu'elle suggérait une forme d’ingérence.
«La séparation entre la justice et le politique est dans l’intérêt de tous. On ne veut surtout pas mélanger les deux. Les sorties publiques laissent planer un doute et ce n’est rien de bon pour notre système de justice», a souligné le lieutenant québécois de la formation, Alain Rayes, en entrevue sur les ondes de LCN mardi.
Le bâtonnier du Québec a réagi à la controverse sur Twitter. «L’exécutif doit faire preuve d’extrême prudence quant à des commentaires sur les affaires judiciaires. Ici, ingérence délibérée? Probablement pas. Imprudence? Probablement», a fait savoir Paul-Matthieu Grondin.
«Quant aux enjeux qui touchent les autochtones et notre système de justice, il y a des problèmes bien documentés auxquels nous devons nous attaquer. Sans surprise, le Barreau est d’avis qu’un jury devrait être représentatif de la diversité d’une société», a-t-il ajouté.