Une nouvelle patrouille arpente depuis plus d’un mois les rues du centre-ville de Montréal pour écouter et veiller sur les itinérants, à coup de sandwichs et de câlins.
«Souriez et ayez du plaisir. Je sais qu’ils ont besoin de nous ce soir avec la mauvaise température», a conseillé Al Harrington à sa «meute» de huit volontaires, réunie sur l’avenue Atwater près de l’ancien Forum, lors du passage du «24 Heures» un mardi enneigé.
Le «Wolf Pack street patrol» patrouille trois soirs par semaine sur la rue Sainte-Catherine d’ouest en est, de 20 h à minuit.
La troupe fournit des denrées aux sans-abri, comme des biscuits et du jus à Steven qui quête à la station Peel, ou une trousse de produits hygiéniques à Daniel, qui campe de son côté à la station Place-des-Arts.
Les bénévoles sont aussi là pour écouter les plus vulnérables, qui doivent passer la nuit dehors au froid. « Je suis heureuse quand je les vois arriver. Ce sont de bonnes personnes et ça me réconforte », a souligné Maria Blacksmith, une femme itinérante crie.
Cette volonté d’aider les autres a d’ailleurs donné la piqûre à la bénévole Shalyna Kolitsidas, 18 ans, qui désire travailler auprès du peuple inuit dans le nord. Elle est tout de même parfois ébranlée par les nombreuses scènes de violence qui se déroulent dans la rue. «Tu vois des gens qui font de la drogue devant toi. Tu vois beaucoup de femmes qui font de la prostitution.»
Le conseiller de ville Sterling Downey, bien au courant du dossier sur l’itinérance, a salué cette nouvelle initiative. «Je trouve cela génial. Ces gens bâtissent des relations de confiance avec les personnes en situation d’itinérance. C’est ce lien de confiance là qui va faire une différence.»
Un besoin pressant
Le «Wolf Pack street patrol» a été mis sur pied par Al Harrington, un ancien travailleur du Centre d’amitié autochtone de Montréal. Ce dernier s’est inspiré du «Bear Clan Patrol», une initiative similaire basée à Winnipeg au Manitoba, pour monter son projet.
«J’ai été sans-abri et je suis au courant des besoins qui sont pressants», a-t-il confié, souhaitant agir rapidement il y a un mois, sans nécessairement attendre des fonds des institutions.
«J’ai parlé avec des policiers il y a deux semaines. Selon eux, l’itinérance ne va pas régresser, mais plutôt augmenter d’ici les deux prochaines années. D’entendre ça d’un policier, c’est assez épeurant», a-t-il ajouté.
L’homme d’origine ojibwée, qui a grandi dans une famille d’accueil, a sombré dans l’alcoolisme et la toxicomie vers l’âge de 22 ans. «Je suis allée vivre chez ma sœur à Thunder Bay en pensant que ça allait aider, mais pas vraiment. Elle m’a mis dehors en plein hiver. Je ne savais pas où aller», s’est-il souvenu, vivant plusieurs hauts et bas jusqu’à l’âge de 28 ans.
Al Harrington a d’ailleurs mis sur pied une campagne de financement sur le site YouCaring afin d’amasser 4500 $ pour acheter entre autres des sacs de couchage, des chaussettes et des tapis de yoga pour les itinérants qui en ont besoin.
Il caresse le rêve que sa «meute de loups» puisse un jour patrouiller 365 soirs par année pour veiller sur ceux qu’il doit laisser avec tristesse derrière lui.