Des organismes à Montréal qui travaillent avec les itinérants constatent une augmentation d’aménagements hostiles dans la métropole.
Allant des accoudoirs au milieu des bancs jusqu’aux pics «anti-itinérants», l’architecture hostile est conçue pour dissuader les citoyens d’utiliser le mobilier à des fins autres que celles pour lesquelles il a été créé.
La Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est par exemple entourée de bancs avec des tiges métalliques qui empêchent les gens de s’étendre ou de dormir.
Une structure de béton, située à la place Vauquelin dans le Vieux-Montréal, est munie de morceaux de métal sur ses bordures pour empêcher entre autres les gens d’y faire de la planche à roulettes.
«Déjà trop»
«Mon équipe voit de nouveaux bancs anti-itinérants chaque année. [...] Ça déplace le problème uniquement», explique Émilie Fortier, de la Mission Old Brewery.
«C’est pas très pro-actif. Mettre un accoudoir, c’est pas une solution. Il faudrait plutôt mettre des ressources dans ces endroits fréquentés par les itinérants», ajoute-t-elle.
Même son de cloche du côté du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).
«Il y en a déjà trop. Que ce soit une grille de ventilation incessible d’où il sort de l’air chaud ou des accoudoirs pour empêcher les itinérants de s’étendre sur un banc, chaque année, il y a de nouvelles installations hostiles à Montréal», confirme Pierre Gaudreau, directeur du RAPSIM.
Même si ces organismes qui travaillent avec les itinérants ne chiffrent pas les nouvelles installations hostiles, ils assurent que leur travail sur le terrain permet de constater une augmentation du phénomène année après année.
Moins de place
Guillaume Lévesque, architecte montréalais, constate qu’on limite davantage la place des itinérants dans la sphère publique.
«Dans les lieux publics, on dirait qu’on ne veut plus voir les itinérants, comme si on voulait peut-être les camoufler. C’est comme des indésirables avec les pigeons», affirme M. Lévesque.
L’architecte souligne aussi que la ville de Montréal a détruit un des derniers abris publics pour les itinérants avec les travaux de démolition entamée au square Viger.
«J’ai remarqué plus d’architecture ou d’aménagements hostiles au cours des dernières années avec les accoudoirs de bancs, les pics et le square Viger par exemple, avoue Guillaume Lévesque. Ça ne touche pas seulement les itinérants, mais tous les citoyens en général.»
Il note toutefois que des bouts de métal installés sur les structures de béton pour décourager les gens de faire de la planche à roulettes ou du sport en général sont parfois nécessaires pour préserver la qualité de l’aménagement urbain.
Protéger le mobilier
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a réagi aux commentaires en lien avec les aménagements hostiles dans la métropole.
«Je ne trouve pas ça souhaitable d’adapter du mobilier en fonction de divers utilisateurs. [...] Mais aussi, il faut tenir compte de la durabilité du mobilier. Si on l’utilise pour faire différents sports, ça use le mobilier...», commente-t-elle.
«Donc il y a toujours toute sorte de considérations, mais c’est certain que selon moi, on ne doit pas mettre du mobilier qui va restreindre ou qui va envoyer un message négatif à certaines populations, dont les personnes en situation d’itinérance.»