La thèse selon laquelle le suspect de l’attaque de Toronto a été motivé par la haine des femmes a soulevé l’inquiétude des élus fédéraux, mercredi au Parlement, rappelant même à certains de douloureux souvenirs de Polytechnique.
Alek Minassian, l’homme accusé de 10 chefs de meurtre prémédité en lien avec l’attaque au camion-bélier survenue lundi, a publié sur les réseaux sociaux un message évoquant le mouvement «Incel». Cette nébuleuse de «célibataires involontaires» entretient sur des forums web une haine des femmes qui va jusqu’à des appels au viol et au meurtre.
«Ce discours-là est dangereux. On pensait peut-être en avoir fini avec la tragédie de Polytechnique. On se rend compte que ce n’est pas le cas», s’est désolé le député du Groupe parlementaire québécois, Rhéal Fortin, en référence à la tuerie de 1989 à Montréal où 14 femmes étaient tombées sous les balles de Marc Lépine.
Il a appelé les réseaux sociaux et le gouvernement fédéral à sévir face à cette forme de radicalisation.
«Je me souviens très bien de la Polytechnique. On disait: plus jamais. Malheureusement, l’imbécillité humaine n’a pas de limite», a déploré de son côté le député conservateur Gérard Deltell. Il doute toutefois que les autorités puissent agir concrètement contre ce type de menace, les policiers ne pouvant pas être «dans la tête de 35 millions de Canadiens».
Le chef néodémocrate Jagmeet Singh s’est dit «incroyablement dégoûté» du discours haineux véhiculé par le mouvement «Incel». «L’attentat de l’école Polytechnique est toujours dans nos cœurs, dans nos mémoires, a-t-il partagé. C’est quelque chose qu’il faut investiguer, dénoncer et arrêter.»
Au sein du gouvernement, on a joué de prudence, car les motifs du suspect n’ont pas encore été établis. «Ça soulève certainement des questions, mais on va attendre les résultats de l’enquête avant de tirer des conclusions», s’est contenté de dire le premier ministre Justin Trudeau.
Toutefois, sans présumer des motivations de l’assaillant, certaines membres du cabinet ont reconnu l’urgence d’agir. «On s'attend à ce que les géants du web jouent un rôle prépondérant pour contrer toute forme de discrimination ou de harcèlement en ligne», a déclaré la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly.
La veille, en marge d’une rencontre avec ses homologues du G7, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, avait exhorté les plateformes numériques comme Google, Facebook, Twitter et Microsoft, d’en faire plus contre l’extrémisme violent.
Quant à elle, la ministre du Travail, Patty Hajdu, a insisté sur la nécessité de parler davantage de misogynie, de la montée de la haine sur internet et de ses liens avec le mouvement de droite radicale «alt-right». «Nous n’en parlons pas assez fort actuellement dans notre société», a-t-elle constaté.
«C’est clair qu’il reste énormément de travail à faire», a pour sa part souligné la leader parlementaire des libéraux, Bardish Chagger, rappelant que le gouvernement Trudeau avait mis de l’avant de nombreuses mesures pour l’inclusion des femmes, dont un cabinet paritaire.
«On pense parfois que ces choses ne sont pas importantes, mais elles le sont», a-t-elle conclu.