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Levée de boucliers contre le cours d’éducation sexuelle

Pierre-Paul Poulin

Des dizaines de parents de la région de Montréal ont décidé de ne pas envoyer leurs enfants à l’école lundi afin de protester contre le futur cours d’éducation à la sexualité. Certains critiquent son manque de clarté, d’autres son aspect supposément «pornographique».

«C’est trop vulgaire pour de jeunes enfants, trop explicite», explique Omar, père de deux enfants de 6 et 10 ans qui ne sont pas allés à l’école lundi.

L’homme, qui préfère taire son nom de famille, en a contre le programme d’éducation à la sexualité, qui sera implanté dans tous les établissements du Québec dès l’automne prochain.

Omar a décidé d’embarquer dans un mouvement qui s’intitule «Sex Ed Sit Out», qui a consisté à retirer les enfants de l’école le temps d’une journée, soit le 23 avril, en envoyant une note à l’école pour montrer son désaccord.

«Le Journal de Montréal» s’est entretenu avec quatre parents hier qui avaient pris cette décision.

Les commissions scolaires de Montréal, de Laval et Lester B. Pearson ont confirmé avoir reçu des lettres et noté des absences qui pourraient être reliées au mouvement. Elles n’étaient toutefois pas en mesure de chiffrer le phénomène hier.

«Cause importante»

«C’est sûr qu’ils ont manqué de l’école et qu’ils ne pourront pas reprendre ces matières, mais c’est pour une cause que je crois qui est importante. C’est pour leur éducation», explique un père de Laval qui a préféré taire son nom.

Selon lui, le principal problème du futur programme est le manque de précision sur le contenu et la façon dont il sera enseigné. «Les enseignants disent qu’ils ne seront pas prêts à donner le cours, et on balaie ça», soupire-t-il.

Pour justifier l’absence de ses deux enfants, il a donc envoyé une lettre qui demande à ce que le programme soit donné par des «professionnels certifiés en la matière». Ces parents réclament aussi un droit de révocation pour que leurs enfants soient retirés de la classe lorsque le programme sera enseigné.

Une autre lettre obtenue par «Le Journal de Montréal» et qui aurait été envoyée par des parents semble avoir été calquée sur un modèle en anglais trouvé sur le site internet de «Sex Ed Sit Out».

«Endoctriner»

Elle reproche au programme de chercher à «endoctriner» les enfants et de les pousser à «remettre en question leur genre».

Ces affirmations ne sont toutefois pas fondées, a corrigé le ministère de l’Éducation hier. Le programme se base sur les recommandations de l’UNESCO, de l’Organisation mondiale de la santé et d’experts universitaires, indique Bryan St-Louis, responsable des relations de presse.

Les connaissances en matière de genre qui seront présentées «n’orientent pas les choix des enfants» et sont adaptées à leur âge, précise-t-il.

Quant à savoir si des parents pourront demander une révocation pour leur enfant, le ministère indique «qu’aucune demande n’a été formulée à cet égard pour l’instant».

Ce que des parents ont dit

«Le gouvernement doit prendre en considération l’avis des parents [...] peut-être qu’on est mal informés, mais qu’on nous donne des séances d’information» - Amina Souldi, une mère de Montréal

«Est-ce vraiment nécessaire de l’introduire [les notions de conception et de grossesse] à la maternelle ? [...] Comment elle va expliquer la conception à un enfant de 5 ans ?» - Lilia, une mère de Laval

«Il y a un manque de transparence dans le contenu du cours. C’est l’an prochain et ce n’est pas clair [...] Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement est si pressé» - Omar, un père de deux enfants

Deux lettres et une pétition contre le cours

Deux lettres à adresser aux autorités scolaires pour justifier les absences des enfants circulaient sur les réseaux sociaux, de même qu’une pétition en ligne qui approchait les 9000 noms hier soir.

«Nous envoyons nos enfants à l’école [...] pour que ceux-ci apprennent la lecture, l’écriture, la science et l’histoire, et non pour remettre en question leur genre», peut-on lire dans la première lettre du mouvement «Sex Ed Sit Out» qui a circulé dans plusieurs écoles de la région de Montréal.

«Sex Ed Sit Out» [«ne pas prendre part au cours d’éducation sexuelle»] a germé récemment aux États-Unis et s’est étendu en Ontario et en Australie.

Le mouvement estime que le «programme dangereux» serait «mis de l’avant à travers le monde pour endoctriner nos enfants».

«Nos enfants [...] méritent d’être protégés contre des corporations sataniques et des activistes radicaux», lit-on également.

Amendements

La seconde lettre qui accompagne la pétition contient quant à elle des demandes plus précises:

-Révision du programme reflétant la diversité des valeurs, des croyances et des cultures;

-Mise en place d’un horaire spécifique qui n’empiéterait pas sur le temps alloué aux autres matières;

-Obligation d’informer les parents de l’heure et du contenu de chacun des cours du programme;

-Possibilité pour les parents de ne pas envoyer leurs enfants au cours par un simple avis écrit, entre autres.

Ce qui achoppe avec le futur programme

Le bilan de la première année du projet pilote implanté dans de nombreuses écoles a révélé plusieurs écueils: manque de formation et de ressources, malaise vis-à-vis du contenu chez certains formateurs.

Le matériel pédagogique n’est pas prêt.

Des enseignants ne se sentent pas outillés pour enseigner cette matière et craignent que des écoles peinent à trouver des volontaires.

«Le Journal de Montréal» a obtenu les canevas pédagogiques fournis aux enseignants en février. La réalité des transgenres et l’avortement n’apparaissaient pas dans les documents du secondaire. Le ministère a depuis précisé au «Journal de Montréal» que ces deux thèmes seront inclus.

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