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La qualité du français en déclin au secondaire

Ces professeurs vous ont enseigné le français. Ils enseignent maintenant à vos enfants. Et pour la plupart, leur constat est sombre: la qualité de la langue est en déclin chez les jeunes du secondaire.

«Il y a 20 ans, les élèves arrivaient à écrire un texte de 300 mots en trois heures sur un sujet qu’ils n’avaient jamais vu de leur vie. Ce serait impossible maintenant», dit Julie Bergeron, qui enseigne à l’école publique François-Joseph-Perreault de Montréal depuis 25 ans.

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Elle a passé un quart de siècle à inculquer des notions de français à des élèves du même âge dans la même école. «J’ai tout vu, dit-elle. Et la qualité de la langue, ça ne va pas du tout du tout.»

L’idée que les jeunes écrivent moins bien que leurs parents revient à chaque génération. Mais qu’en est-il vraiment ?

Les données scientifiques sur les élèves québécois sont incomplètes.

«Le Journal de Montréal» a interrogé six enseignants d’expérience pour voir ce qu’ils observent sur le terrain. Les cinq qui travaillent en milieu public sont unanimes: les jeunes font plus de fautes d’orthographe et de grammaire qu’avant.

«Il peu» au lieu de «il peut». «Sa» au lieu de «ça», illustre Danielle Vien, 60 ans, qui a pris sa retraite l’année dernière après 40 ans d’enseignement à Montréal. «Ces fautes-là, je les ai toujours vues, mais je les voyais davantage dans les dernières années.»

Niveau primaire

Même son de cloche pour Stéphanie Lajeunesse, 24 ans d’expérience, qui enseigne à Sainte-Adèle dans les Laurentides.

«J’enseigne en 2e secondaire et j’ai énormément d’élèves de niveau de 5e année du primaire.»

«J’ai des élèves qui écrivent au son, qui ne possèdent absolument pas l’orthographe. Ils vont écrire “mézon” au lieu de “maison”», illustre-t-elle.

Plusieurs enseignants y voient l’impact de la réforme de 2000, qui visait notamment à mettre l’accent sur les compétences des enfants plutôt que les connaissances. D’autres accusent la tendance qu’ont les écoles à ne plus faire doubler les élèves, ce qui fait que des jeunes qui ont de grands retards se retrouvent tout de même à passer au niveau suivant.

Meilleurs en syntaxe

«Les profs s’arrachent les cheveux de sur la tête. Quand on dit qu’il y a une personne sur deux qui est analphabète fonctionnel, c’est ce qu’on constate sur le terrain», abonde Martin Bibeau de l’Alliance des professeurs de Montréal.

Les enseignants ne s’entendent toutefois pas sur le rôle que jouent les réseaux sociaux et les textos dans ce déclin.

Des données montrent que les élèves s’améliorent en syntaxe, c’est-à-dire qu’ils ont plus de facilité à structurer leurs phrases, selon Pascale Lefrançois, professeure au département de didactique à l’Université de Montréal.

Ils font donc moins d’erreurs quand vient le temps de choisir entre les pronoms «qui», «que» ou «dont». «La nouvelle grammaire insiste beaucoup sur les aspects syntaxiques», explique-t-elle.

«Les discours sont plus fluides qu’avant, autant à l’écrit qu’à l’oral, abonde Stéphanie Lajeunesse. En fait, je suis convaincue qu’à force d’écrire des textos, cela les aide à structurer leurs textes», affirme-t-elle.

Peu de données

Mais les chercheurs en sciences de l’éducation disposent de peu de données pour pouvoir dire si les élèves d’aujourd’hui maîtrisent mieux ou moins bien le français qu’avant. «Chaque année, environ 80 % des élèves qui passent l’épreuve d’écriture uniforme à la fin du secondaire la réussissent. Cette proportion est stable depuis 30 ans, note Pascale Lefrançois. On est donc obligés de dire que le niveau n’a pas baissé.»

Or, ces jeunes réussissent-ils avec de meilleures ou moins bonnes notes ? On l’ignore. Aussi, il y a un effort pour que le niveau de difficulté des épreuves soit comparable d’une année à l’autre, mais on ne sait pas réellement si les examens sont plus ou moins difficiles qu’avant, explique-t-elle.

En France, des élèves ont été soumis à une même dictée en 1986-1987, puis en 2005. Les résultats de cette étude ont montré que le niveau avait baissé, surtout en orthographe grammaticale, illustre Marie Nadeau, professeure à l’UQAM. Une telle expérience n’a jamais été tentée au Québec, indique-t-elle.

«Mais il ne faut pas être trop nostalgique du passé. Dans les années 1950, beaucoup de gens ne se rendaient même pas au secondaire», rappelle-t-elle.

Exemples de fautes rapportées par les enseignants

Pensser au lieu de penser. (1re secondaire)

Je serais bientôt là au lieu de je serai bientôt là. (1re secondaire)

Mézon au lieu de maison. (2e secondaire)

Allors au lieu de alors. (4e secondaire)

L’orsqu’au au lieu de lorsqu’au. (4e secondaire)

Il faut que tu es mal au lieu de il faut que tu aies mal. (5e secondaire)

L’erreur classique:

Sa au lieu de ça. (plusieurs niveaux)

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