Les parents d’un jeune garçon autiste de Québec ont choisi d’affronter le manque de services dont est victime leur fils en finançant eux-mêmes l’installation d’une salle adaptée spécifiquement au trouble du spectre de l’autisme dans son école.
Rafael Bakran, 10 ans, a été sorti de sa classe adaptée de l’école Cœur-Vaillant, à Sainte-Foy, en février dernier puisque les autres élèves ne parvenaient plus à se concentrer en sa compagnie.
«Il n’a jamais été violent ou agressif, mais il tape sur son bureau, donc ça dérange les autres. Il a été placé à mi-temps de février à juin», raconte sa mère Annie Michaud.
Elle ajoute que de telles mesures bouleversent l’horaire familial. «Il faut trouver des solutions, ce n’est pas évident. On se demande à un moment si on doit arrêter de travailler.»
Pour réussir à calmer Rafael et faciliter sa concentration, sa mère a proposé l’installation d’une «salle Snoezelen», une pièce stimulant tous les sens, adaptée pour les enfants autistes. Le hic, c’est qu’aucun budget n’était disponible à l’école pour ce genre d’investissement.
Recours au Sociofinancement
Même s’ils avaient bien des raisons d’en vouloir au système pour le bris de service auquel est confronté leur enfant, les parents de Rafael ont choisi de travailler pour trouver des solutions plutôt que de critiquer l’école. Selon eux, la colère n’aurait qu’amplifié les problèmes.
Malgré tout, la famille de Rafael doit se résigner à demander la charité pour que l’école publique de leur enfant soit en mesure d’offrir les services que requiert sa condition.
La famille cherche, par le biais d’une campagne de financement sur le web, à trouver les 10 000 $ qui permettront la préparation de la salle. Cette dernière servira à Rafael, mais aussi à la vingtaine d’autres enfants autistes qui fréquentent l’école Cœur-Vaillant.
«Ça va tous les aider, mais moi je le fais pour Rafael. On veut faire en sorte que notre enfant puisse aller aussi loin que ses capacités le permettent», soupire la maman.
La Commission scolaire des Découvreurs a préféré ne pas commenter l’initiative et personne du côté de l’école n’était disponible pour répondre aux questions du «Journal de Québec».
«Les services ne suivent pas»
Si la famille en est venue à cette solution, ce n’est pas faute d’avoir exploré d’autres avenues.
Ils ont notamment tenté d’inscrire Rafael au secteur autisme de l’école Saint-Michel, l’établissement régional en la matière.
Selon ce qu’ils ont pu apprendre, 18 demandes ont été faites pour seulement six places, ce qui fait dire aux parents que les services ne sont plus du tout adaptés à la réalité entourant le trouble du spectre de l’autisme.
«Il n’y a pas que nous en bris de service, il y en a plein, même si ça devrait être des exceptions. Les services n’ont pas suivi l’évolution de la situation de l’autisme. Ce n’est pas suffisant actuellement», déplore Annie Michaud.
Qu’est-ce qu’une salle multisensorielle Snoezelen ?
Pièce créant un environnement sécurisant qui permet d’apaiser l’enfant
Matériel stimulant tous les sens : parfums divers, musique ou sons particuliers, coussins avec différentes textures, miroirs, objets à manipuler, piscine de balles, ballons, etc.
Généralement blanche
Projections sur les murs
Éclairage apaisant
Basée sur la méthode Snoezelen, développée dans les années 1970 par deux chercheurs néerlandais
«Épouvantable d’en être là» -La Fédération québécoise de l’autisme
La directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme n’en revient pas que des familles doivent faire des démarches comme celles des parents du petit Rafael. Pour Jo-Ann Lauzon, cette situation démontre l’ampleur du manque de services au Québec.
Q: Comment réagissez-vous en apprenant que des familles doivent prendre elles-mêmes en main des situations problématiques ?
R: Tout ça est épouvantable. Les parents vivent déjà assez de difficultés et là en plus, ils doivent s’organiser pour fournir ça à l’école ? C’est inadmissible. Les bris de service font partie de la vie de ces gens-là, c’est leur routine et ça ne devrait pas. On nous parle continuellement de l’importance des services en continu autant en santé qu’en éducation, mais visiblement, ça ne fonctionne pas.
Q: Comment évoluent les services au Québec ?
R: Les services ont toujours stagné et l’offre de service en autisme ne s’est jamais réellement développée. Mais le pire, c’est qu’on ne prend jamais compte de la prévalence d’autisme dans la population. On en est actuellement à 1,5 % et l’Institut de santé publique a publié un rapport l’an dernier qui dit que ça ne semble pas vouloir ralentir. Ce rapport-là, pour nous, c’est le scandale de l’année. La situation ne va pas aller en s’améliorant si rien ne change.
Q: Est-ce que le gouvernement en fait suffisamment pour accompagner les familles et les personnes qui vivent avec un trouble du spectre de l’autisme ?
R: Il y a eu un plan d’action de 29 M$ déposé en 2016, mais rendu en juillet 2018, on réalise que sur le terrain on ne voit aucune différence. On nous dit qu’un grand chantier est en œuvre, mais il semble que c’est comme les chantiers routiers, on sait quand ça commence, mais on ne sait jamais quand ça va finir. Des problématiques comme celle que vit ce garçon, ce n’est pas normal pour les enfants et ce n’est pas normal pour les enseignants non plus. Il faut trouver des solutions.