Tous les ans, Google, Amazon, Facebook et Apple (parfois appelés les GAFA) engrangent des centaines de millions de dollars en profits au Canada. Mais la plupart d’entre eux ne paient pas d’impôt et de taxe de vente.
Dès le 1er janvier 2019, les Québécois vont payer la TVQ sur les services de divertissement en ligne à la suite de l’adoption d’une loi en ce sens. Mais ça ne règle pas la question de l’impôt.
«Le problème, c’est que le régime fiscal a été construit à une époque où les ventes se faisaient dans un magasin. Avec l’économie numérique, quoi faire quand l’entreprise et ses serveurs sont à l’autre bout de la planète?» expose Lyne Latulippe, professeure de fiscalité internationale à l’Université de Sherbrooke.
Plusieurs pays et organisations internationales ont proposé des mesures pour forcer ces géants à payer leur dû.
L’Union européenne étudie par exemple la possibilité d’imposer les géants sur 3 % de leur chiffre d’affaires au sein des pays membres. Une mesure «band-aid» en attendant que l’OCDE et ses 30 pays (dont le Canada) prennent position.
«Plusieurs pays hésitent à agir pour ne pas nuire à leur compétitivité. Si le Québec est la seule province à imposer des impôts aux géants, il risque d’y avoir des conséquences», dit Mme Latulippe. Il n’est pas impensable, vu la taille du marché québécois, que certains décident de le quitter. D’autres pourraient restructurer leurs affaires canadiennes de sorte à réduire leurs bénéfices au pays, pour payer moins d’impôt.
Les Québécois en faveur
Fait à souligner, le Québec constitue une société distincte quand vient le temps de parler d’imposition du numérique.
Un sondage mené par Research Co., en mai 2018, démontrait que 54 % des Québécois étaient en faveur d’un impôt visant les services numériques, lequel servirait à financer la production télévisuelle ou cinématographique canadienne.
Il s’agissait de la proportion la plus importante de toutes les provinces canadiennes. Seulement 16 % des résidents de l’Atlantique appuyaient une telle mesure, et 38 % en Ontario.
Quelques chiffres
3 %: Pourcentage du chiffre d’affaires des GAFA que l’Europe souhaite récupérer en impôt, ce qui représente 5 milliards d’euros (7,8 milliards $).
750: Nombre de multinationales visées par la mesure européenne.
11: Une étude menée en 2017 a démontré qu’Amazon Royaume-Uni payait 11 fois moins d’impôt sur les sociétés que les librairies britanniques. Amazon ne paie pas d’impôt ou de taxes au Canada.
Une «taxe Google» au Royaume-Uni...
À partir d’avril 2019, le fisc britannique va appliquer l’impôt sur le revenu aux redevances liées aux ventes au Royaume-Uni, lorsque ces redevances sont versées dans des pays à faible imposition. La mesure pourrait rapporter 200 millions de livres (341 M$) par an et s’ajoutent à d’autres règles pour lutter contre l’évasion fiscale des géants du numérique.
... et en Australie
Adoptée en 2017, la loi australienne vise les multinationales dont les recettes mondiales sont d’au moins 1 milliard $ AU (930 M$ CA), et celles en Australie faisant 25 M$ AU ou plus. Ces sociétés sont frappées d’une taxe de 40 % sur tous les bénéfices, soit 10 % de plus que le taux habituel. L’objectif: que les impôts payés par les géants reflètent correctement leurs activités en Australie et empêchent le détournement des bénéfices vers l’étranger. Malheureusement, plusieurs sociétés, dont Google, ont restructuré leurs affaires en prévision de la loi. La mesure devrait rapporter 100 M$ par an dès 2018-2019.
Québec 2018: Ce que les partis proposent
Coalition Avenir Québec
Pas grand-chose pour l’instant. La CAQ juge «difficile» de déterminer la meilleure façon d’imposer les géants du web et veut «consulter le ministère des Finances et des experts» avant de procéder.
Parti Québécois
Appliquer la TVQ (provinciale) et la TPS (fédérale) aux produits et services vendus sur le web, forcer les géants du web à payer les mêmes impôts que les compagnies d’ici et instaurer une «taxe sur les profits détournés» par les multinationales qui font de l’évitement fiscal.
Parti libéral du Québec
Déposer un projet de loi pour «assurer l’équité fiscale» entre entreprises canadiennes et étrangères. Ces dernières auraient à payer les mêmes impôts et percevraient les mêmes taxes que les compagnies d’ici.
Québec solidaire
Forcer les services de paiement – Visa, Interac, etc. – à prélever la TPS-TVQ sur les ventes numériques. Les entreprises «ayant une présence numérique significative» au Québec qui refusent de payer leurs impôts feraient aussi face à des pénalités représentant de 50 à 200 % des achats faits par des Québécois. Les Québécois et la classe politique s’entendent sur la nécessité de forcer les géants du web à payer taxes et impôts, mais les opinions divergent sur la façon de procéder. Une question à plusieurs milliards $ incontournable pour le prochain gouvernement.