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Legault et Trudeau: entre méfiance et opportunité

Le contraste entre les deux hommes pourrait difficilement être plus éloquent.

L’un a été élu en incarnant le cool d’une gauche progressiste au diapason d’une nouvelle génération. L’autre a misé sur son image d’homme d’affaires, qui parle au «vrai monde».

L’un est cosmopolite, l’autre vante ses origines modestes.

L’un a la fibre canadienne dans la peau, l’autre a déjà été souverainiste.

Et pourtant, les deux ont été élus en balayant le paysage politique, portés au pouvoir par un vent de changement inédit.

Et s’ils étaient faits pour s’entendre? Malgré leurs familles politiques aux antipodes l’une de l’autre?

Car si on met le cynisme de côté quelques instants, Justin Trudeau et François Legault partagent le même objectif : utiliser tous les leviers de l’état pour moderniser l’économie. Surtout, tous deux désirent assurer une croissance au bénéfice de la «classe moyenne», ou des «travailleurs», rendu là c’est une question de sémantique.

L’opportunité économique

Infrastructures, transport en commun, énergies vertes, investissements étrangers.

Dix milliards supplémentaires dans le plan d’infrastructures du Québec, prolongement du REM, exportation d’électricité, conquête de nouveaux marchés et refonte du mandat d’Investissements Québec.

Entre les grands chantiers fédéraux, et les priorités de la Coalition avenir Québec, les points de rencontre sont nombreux.

Il est là le terrain d’entente possible entre les deux gouvernements. Et il est non-négligeable, car il frappe au cœur de la vie des Québécois, soit leur qualité de vie, de nouveaux emplois, et le potentiel de nouveaux revenus pour financer les services comme la santé et l’éducation.

Et que dire des ententes Ottawa-Québec qui trainent dans les tiroirs ?

Infrastructure, logement social, main d’œuvre, trois dossiers cruciaux qui trainent depuis des mois et que les deux gouvernements pourraient facilement trouver une façon de régler dans les premiers mois d’un mandat Legault.

Disons que ce serait une belle façon d’envoyer le signal que la relation peut être constructive!

La méfiance identitaire

Encore faut-il surmonter les différences profondes. Ce sont les pires. Elles sont idéologiques, philosophiques.

On a fait grand cas des plans de la CAQ en termes de laïcité. Or, malgré ses reproches, Justin Trudeau est peu susceptible de monter au front. Pourquoi prendre un risque auprès des électeurs québécois, quand d’autres mèneront la bataille à sa place.

Là où le bât blesse, c’est bien sûr sur le front de l’immigration.

Combien de stratèges de la CAQ regrettent cette idée de tests d’expulsion, de grandes manœuvres autour du certificat de sélection du Québec ?

Le pire dans tout ça, c’est que tout le monde sait déjà comment ça va finir. Le gouvernement Legault va demander, le gouvernement Trudeau dira non. Et après?

Il sera là le vrai test. Québec cèdera-t-il à la tentation de casser du sucre sur le dos d’Ottawa pour une bataille perdue d’avance? Ou les deux gouvernements trouveront-ils une façon d’apporter des réformes hautement nécessaires au système d’immigration pour attirer des travailleurs-immigrants qualifiés?

Ça semble si simple, et pourtant, dès qu’il est question de la fibre de la société québécoise, tout devient si compliqué.

Toujours présente, sur les enjeux identitaires, la méfiance de voir Ottawa vouloir uniformiser le Québec, et de voir Québec exiger un chèque en blanc a toujours défini les rapports entre les deux capitales.

Un nouveau rapport Québec-Ottawa?

Les rapports entre Québec et Ottawa n’ont jamais été simples.

Même si on enlève la question nationale de l’équation, celle du nationalisme québécois face au fédéral ne pourra jamais être évacuée.

La réalité c’est que François Legault a la chance d’essayer de réinventer sur de nouvelles bases les rapports entre les deux capitales. Il est à la fois libéré de l’affrontement inhérent aux gouvernements souverainistes, et des revendications bureaucratiques de principe, mais peu constructives, des gouvernements libéraux désireux de démontrer qu’ils savaient tenir leur bout face à Ottawa.

Le pari est de taille. Il est risqué. Mais la fenêtre est grande ouverte.

À un an des élections, avec 40 sièges et sa majorité en jeu, le gouvernement Trudeau a tout intérêt à faire preuve de flexibilité et de bonne foi face au gouvernement Legault.

Après tout n’est-ce pas là une belle opportunité de mettre en œuvre sa promesse de faire la politique autrement?

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