Oubliez l’idée d’un tunnel ou d’un boulevard urbain, Québec a décidé de reconstruire à l’identique l’autoroute Métropolitaine, à Montréal. Un chantier monstre s’annonce au cours de la prochaine décennie.
Après des années de réflexion sur le meilleur moyen de rénover l’autoroute la plus achalandée de la province, construite en 1959, le gouvernement a tranché.
«Ce sera plus moderne, mais ça va ressembler à l’autoroute actuelle», a affirmé en entrevue au «Journal de Montréal» la ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau.
La nouvelle voie rapide «ne sera pas au niveau du sol comme [l’autoroute] Bonaventure et ce ne sera pas un tunnel», a-t-elle précisé.
La Métropolitaine restera donc surélevée sur près de 6 km, entre l’A25 et l’A15, et gardera trois voies dans chaque direction.
Réfection majeure
Le ministère des Transports précise qu’il ne s’agit pas d’une reconstruction complète, mais de travaux de réfection majeurs des 59 structures qui composent l’autoroute.
Cet axe névralgique de circulation est-ouest de la région montréalaise est emprunté en moyenne par 193 000 véhicules par jour.
Le Ministère ajoute être à l’étape des études et ne pas connaître la date de début ni la durée du chantier. Cependant, Mme Rouleau a dit que les travaux devraient débuter très prochainement, étant donné l’état actuel de la structure.
«Il faut qu’on mette à niveau nos infrastructures, sinon on peut imaginer une congestion monstre», a-t-elle soutenu.
Éviter le chaos
Québec a d’ores et déjà entamé des discussions avec la Ville de Montréal et la Société de transport de Montréal (STM) pour offrir des alternatives aux automobilistes et éviter le chaos au moment des travaux.
«Il faut garantir la mobilité sur cet axe, a insisté Mme Rouleau. Il faut que ça se fasse dans un délai raisonnable et à un coût raisonnable.»
La ministre a indiqué que les travaux, qui devraient coûter plusieurs milliards de dollars, permettront de moderniser la voie rapide. L’éclairage et le système de surveillance des voies seront notamment mis à niveau.
La partie surélevée de l’autoroute Métropolitaine fait déjà l’objet d’entretiens mineurs depuis 2010, qui se poursuivront jusqu’au début de la rénovation complète.
D’ici 2020, la majorité des interventions mineures réalisées sur l’autoroute seront concentrées entre l’échangeur des Laurentides et le boulevard Pie-IX.
De plus, des travaux d’asphaltage sont déjà prévus et budgétés jusqu’en 2028, au coût de 21 millions $.
Une des 59 sections
Entre l’échangeur Décarie (à l’ouest) et le boulevard Henri-Bourassa (à l’est), l’autoroute Métropolitaine est composée de 59 structures surélevées.
Par exemple, celle-ci, d’une longueur d’environ 350 mètres au-dessus de la rue Christophe-Colomb, montre des signes d’éclatement du béton et de corrosion (ci-dessous).
Pas comme l’autoroute Bonaventure
La ministre Chantal Rouleau a clairement indiqué au «Journal de Montréal» qu’il n’était pas question d’imiter le «projet Bonaventure» qui a transformé l’entrée dans Montréal par l’autoroute 10 en boulevard urbain. L’ancienne autoroute Bonaventure, construite sur pilotis en 1966, a été démolie en 2016 par la Ville de Montréal pour laisser place à une large artère comprenant un parc en son centre.
La Métropolitaine en chiffres
Longueur totale: 21 km entre l’autoroute 15 et le boulevard Henri-Bourassa
Achalandage quotidien maximum: 208 000 véhicules circulent entre l’A15 et l’A25
Construction du premier tronçon en: 1959
Un mégachantier et plusieurs enjeux
La largeur de l’emprise de l’autoroute ne permet pas la construction de structures temporaires sur les côtés, comme cela a été fait pendant la reconstruction de l’échangeur Turcot.
Ce chantier devra être coordonné avec d’autres travaux majeurs, comme la rénovation du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, qui s’étendra de 2020 à 2024.
Le controversé projet commercial Royalmount pourrait, selon plusieurs études, accroître substantiellement l’achalandage sur la Métropolitaine entre les deux parties de l’A15.
Ce que les experts en pensent
«C’est une grave erreur de refaire ça à l’identique. Dans le monde entier, on met les rues au niveau du sol et on ajoute du transport en commun pour redonner de la vie aux quartiers. Il vaudrait mieux sortir les camions de la ville en finissant le contournement de Montréal au nord par la 640 ou la 440.» – Pierre-Léo Bourbonnais, chercheur à la chaire Mobilité de l’École Polytechnique de Montréal
«Tout le monde rêverait que ça devienne un boulevard urbain, mais je ne vois pas comment garder un tel volume de véhicules sur cet axe en le faisant passer au niveau du sol.» – Florence Junca-Adenot, professeure à l’UQAM
«Les autoroutes surélevées, ce n’est pas idéal, mais dans ce cas-ci, c’est un moindre mal. Cela permet de préserver le transit nord-sud qui est très important dans ce coin-là.» – Jean-Philippe Meloche, professeur à l’UdeM