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La prostitution juvénile en forte demande à Québec

La demande pour la prostitution juvénile est si forte à Québec, que des proxénètes viennent même d’ailleurs pour s’enrichir chez nous, recrutant en bonne partie leurs futures victimes sur les réseaux sociaux.

Selon Mario Vézina, inspecteur aux enquêtes criminelles du Service de police de la ville de Québec (SPVQ), les proxénètes qui font « travailler des filles » à Québec viennent surtout de Montréal ou de Laval. « C’est la majeure partie de nos dossiers », soutient-il.

Depuis l’opération Scorpion en 2002, le Service de police de la ville de Québec (SPVQ) est plus outillé que jamais dans sa lutte contre le proxénétisme.

Malgré tout, l’inspecteur Vézina affirme que les clients sont toujours très nombreux à solliciter les services sexuels de jeunes filles mineures à Québec.

« Il y a une demande qui est présente et qui est forte », mentionne-t-il. À preuve, un important coup de filet contre de présumés clients de la prostitution juvénile a été effectué la semaine dernière, lors duquel cinq hommes, dont un enseignant au secondaire, ont été arrêtés.

Trop de demandes

C’est également ce que remarque Catherine, une intervenante du PIPQ (Projet Intervention Prostitution Québec) qui travaille uniquement avec cette jeune clientèle, principalement dans le quartier St-Roch.

« J’ai beaucoup de demandes [de la part de jeunes filles qui sont impliquées de près ou de loin dans la prostitution juvénile]. Je dois même refuser des jeunes filles mineures qui ont vécu des agressions sexuelles. J’aimerais les aider, mais je manque de temps », déplore-t-elle, précisant qu’elle côtoie régulièrement une trentaine de filles qui gravitent dans le milieu de la prostitution à Québec.

Les réseaux sociaux sont par ailleurs une véritable mine d’or pour les proxénètes, qui utilisent l’information véhiculée sur les profils de leurs futures victimes pour les « étudier », avant de passer à l’action.

« Au lieu de prendre six à huit mois comme c’était le cas avant par exemple, ça peut prendre à peine un mois », soutient Dany Lévesque, intervenant sur le web pour le PIPQ.

Airbnb

En plus des chambres d’hôtel, les proxénètes ont également de plus en plus recours à Airbnb pour exploiter les mineures. Les réservations sont faites lors d’échanges virtuels, ce qui complique la tâche des policiers.

« Airbnb demande une pièce d’identité, mais on sait qu’il y a aujourd’hui beaucoup de vols de pièces d’identité. Ils [les administrateurs de Airbnb] peuvent faire une liste des cas problématiques, mais il leur est difficile de travailler en prévention », affirme l’inspecteur Vézina.

Prise au piège dans l’Ouest canadien

Quelques semaines après avoir échappé aux griffes de son « pimp », qui la tenait captive dans l’Ouest canadien, une jeune femme de 18 ans tente de réapprendre à vivre normalement, après avoir été complètement « déprogrammée » dans le but de se prostituer.

« Ils [les proxénètes] m’ont appris à mettre ma vie entre leurs mains. Ils me regardaient dans les yeux et me disaient : “Tu es ma pute” », raconte la jeune Daphnée (nom fictif) attablée dans un café de Québec, alors qu’elle accepte pour la toute première fois de revenir sur les troublants événements qu’elle a vécus.

« Ils nous mettent à zéro »

Revenue chez elle à Québec depuis quelques semaines, Daphnée a les idées encore embrouillées lorsqu’elle tente de reconstituer le fil des événements.

« Je ne suis plus la même. Ils nous mettent à zéro et nous enlèvent tout ce qu’on sait. J’ai même de la misère à lire », relate la jeune femme.

Depuis qu’elle a fui d’une municipalité éloignée de la Saskatchewan en pleine nuit, Daphnée confie avoir perdu ses repères.

Pourtant, à l’instar de Fanny dans la populaire série Fugueuse, rien ne laissait croire qu’elle serait un jour appâtée par un proxénète, alors qu’elle est issue d’une bonne famille. Elle fréquentait l’école privée et avait des notes irréprochables.

Mais, vers l’âge de 15 ans, tout bascule. « J’avais des problèmes avec l’autorité, je consommais [de la cocaïne] », relate-t-elle. Puis, après quelques fugues, elle atterrit en centre jeunesse, où, sans le savoir, elle a ses premiers contacts avec le monde de la prostitution.

« Dans mon cas, le centre jeunesse ne m’a pas aidée. Je n’aurais pas connu ce monde-là si je n’étais pas allée », affirme-t-elle.

Recrutée à Québec

Quelque temps plus tard, elle se fait « recruter » par des proxénètes issus de gangs de rue de Montréal, dans un bar de la Basse-Ville de Québec.

Elle tombe entre les mains de plusieurs proxénètes. Un d’entre eux, qui se vante de vivre la « grosse vie » à Calgary, parvient à l’amadouer. Après quelques mois d’échanges, elle décide d’aller le rejoindre.

« Il m’a dit qu’il avait un condo, mais ce n’était pas vrai. Il habitait dans des Airbnb et on changeait tous les deux jours. Il me forçait à faire des clients pour lui », dit-elle. Elle doit rapporter un minimum de 1500 $ par jour à ses « pimps », qui sont parfois des femmes.

Selon ses souvenirs, les prix variaient entre 200 $ et 300 $ par client.

Aujourd’hui, la jeune adulte tente de se refaire une santé, loin de son ancienne réalité.

Proxénétisme à Québec

2015

Formation de l’Escouade ESM (Unité contre l’exploitation sexuelle des mineurs)

2018

Une quinzaine de proxénètes arrêtés à Québec

2019

Arrestations de cinq proxénètes et de six présumés clients, jusqu’à maintenant

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