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Un employeur peut-il vous obliger à vider vos poches?

Illustration Adobe Stock

Votre supérieur immédiat vous soupçonne d’avoir contrevenu à un règlement de l’entreprise et vous ordonne de vider vos poches. Devez-vous lui obéir ?

Le salarié pourrait faire valoir que l’ordre de son employeur brime son droit à la vie privée. Mais est-ce suffisant pour refuser d’obtempérer ?

Vide tes poches !

Dans une usine de fabrication de fromage, une politique interdit aux employés de travailler avec leur cellulaire personnel. Afin de texter en cachette, un employé se rend alors dans une section de l’usine où aucune tâche ne lui avait été attitrée.

Éveillant les soupçons de sa supérieure immédiate, celle-ci décide d’aller à sa rencontre. Dès que le salarié l’entrevoit, il s’empresse de ranger son cellulaire dans sa poche.

C’est alors que la superviseure lui enjoint de vider les poches de son pantalon. Face à l’insistance de cette dernière, le salarié accepte finalement de lui montrer le téléphone se trouvant dans sa poche droite.

Or, la supérieure prétend l’avoir vu ranger un sac gris et une paire de ciseaux dans sa poche gauche, dans laquelle il gardait sa main tout au long de la discussion. Semble-t-il également qu’une « odeur végétale » régnait dans la pièce à son arrivée. Insatisfaite, elle l’intime donc de vider également le contenu de sa deuxième poche, ce que le salarié refusera catégoriquement de faire.

Estimant que ce comportement constitue de l’insubordination, l’employeur lui impose une suspension de deux jours.

Une atteinte à la vie privée

Toute personne a droit au respect de sa vie privée, y compris bien entendu les travailleurs. Il s’agit là d’un droit fondamental, garanti notamment par l’article 5 de la Charte québécoise.

En principe, le fait de contraindre une personne à étaler le contenu de ses poches constitue une atteinte à son droit à la vie privée. Des limites raisonnables peuvent toutefois être apportées à ce droit.

La nécessité de motifs raisonnables

En droit du travail, la jurisprudence autorise un employeur à procéder à une fouille auprès d’un salarié, à condition d’avoir des motifs raisonnables de croire qu’il a contrevenu à une règle de l’entreprise ou qu’il est sur le point de le faire.

En l’espèce, le tribunal d’arbitrage a retenu les motifs raisonnables suivants : le salarié se trouvait dans un endroit où il ne devait pas être, il s’est empressé de dissimuler des objets et il a accepté de dévoiler le contenu d’une seule des deux poches. Dans ce contexte, l’arbitre estime que la fouille était légitime.

La mesure disciplinaire était donc justifiée puisque le refus d’obéir constituait de l’insubordination. Cette affaire n’est pas sans rappeler le célèbre adage « obéir maintenant, se plaindre ensuite ».

Conseils

Pour procéder à la fouille d’un employé, l’employeur doit posséder des motifs raisonnables.

Ces motifs doivent être sérieux et réels, d’autant plus qu’un droit fondamental du salarié est en jeu.

Très important, les motifs doivent exister AVANT d’entreprendre la fouille, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas provenir du résultat de la fouille elle-même ou avoir été obtenus a posteriori.

En l’absence de motif raisonnable, le salarié pourra réclamer des dommages-intérêts pour compenser l’atteinte illicite à son droit à la vie privée, en s’appuyant sur la Charte québécoise.

 

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